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REVUE LITTÉRAIRE

LES ROMANS DE M. EDOUARD ESTAUNIÉ [1].

M. Edouard Estaunié est un romancier qui ne se dépêche pas. Il a mis une trentaine d’années à écrire neuf romans. Ajoutons un recueil d’« impressions de Hollande, » Petits maîtres : voilà, quant à présent, toute son œuvre d’écrivain. Par ailleurs, il est homme de science et administrateur. Sans doute, la science et l’administration lui ont-elles pris beaucoup de temps. Mais je ne crois pas qu’il ait souhaité de donner plus de livres et de les donner plus vite. Son œuvre se développe avec la lenteur et la noble gravité d’une méditation digne d’occuper toute une existence ; à chacune de ses étapes, on remarque et l’on admire une acquisition de pensée. Cette œuvre courte et sans fatras, riche de sentiments et d’idées, est toujours en chemin, toujours en quête, et ne baguenaude pas, ne se laisse pas divertir. Elle a de l’activité, de la ferveur et de la méthode.

En 1891, quand préludait M. Edouard Estaunié, le réalisme régnait encore. Mais il régnait depuis longtemps et l’on était un peu las de lui. Surtout, on était las de ses vieilles audaces et de son romantisme suranné. L’on cherchait une autre sorte de réalisme, plus vrai et qui se contentât de peindre, comme l’inscrivait Maupassant à la première page d’Une vie, « l’humble vérité. » M. Estaunié publia Un simple, roman d’un jeune garçon qui s’aperçoit que sa mère n’est pas digne de sa tendresse déférente et qui se tue. L’année suivante, il publia « Bonne Dame » ou l’histoire d’une mère qui, de sa fille bien-aimée, ne reçoit pas sa récompense de tendresse.

  1. L’Ascension de M. Baslèvre (librairie Perrin). Du même auteur, à la même librairie : Un simple, « Bonne dame, » L’Empreinte, Le Ferment, L’Épave, La vie secrète, Les choses voient, Solitudes ; et un recueil d’« impressions de Hollande, » Petits maîtres.