Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
JOURNÉE DE STRASBOURG

Le 22 novembre 1918, les Armes de France rentraient à Strasbourg.

Le 22 novembre 1919, la Science française se réinstallait à Strasbourg.

J’ai eu le rare privilège d’assister aux deux gestes. Je ne les séparerai point en mon souvenir cordial. Ce sont les deux feuilles d’un diptyque indissolublement lié.

Parce que quatre cents professeurs apparaissaient devant les yeux éblouis de la foule drapés de toges multicolores, les amateurs de citations faciles allaient disant : Cedant arma togae. Détournée en tout état de cause de son sens primitif, la citation, à tout prendre, ne s’appliquait pas ; ce qui m’a pleinement satisfait en cette magnifique journée, c’est que les « armes ne le cédaient pas à la toge ; » les armes étaient mêlées aux toges et telle circonstance donnait à l’événement tout son sens historique : nos troupes ont, une fois de plus, creusé le sillon où nos maîtres vont jeter les semences de vérité ; le semeur au geste auguste n’a pas perdu une seule occasion d’associer à la fête ceux qui ont si rudement labouré. L’Alsace d’ailleurs ne les séparait point ; elle saluait avec le même enthousiasme les toges après les armes, les armes avec les toges. Et j’ai retrouvé, — une heure au moins, — l’impression exaltante des heures merveilleuses que naguère j’essayais ici-même d’évoquer.

Si j’ai connu, sous l’uniforme, avant l’apothéose du 22 novembre 1918, les dures misères qui la préparaient, j’avais été, plus lointainement, en cette Université de Nancy dont je demeure le fils pieux, le témoin sympathique de l’attente souvent frémissante, jamais désespérée, de l’Université de