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CARNETS
D’UN
FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
(Juillet-Octobre 1919)


I. — BERLIN


Berlin, 12 juillet.

Le « train diplomatique, » — comme on l’appelle, parce qu’il transporte les courriers qui assurent la liaison entre la délégation de Versailles et le gouvernement allemand, — arrive à Berlin sensiblement à la même heure qu’y arrivait autrefois le Nord-Express : vers huit heures du matin. Est-ce pour cela qu’en sortant de ma cabine et en regardant par la fenêtre du couloir, j’ai l’impression très désagréable, très décevante, qu’il n’y a rien de changé ? Voici Spandau, le Juliusturm et l’énorme usine d’où sont sortis les Zeppelins. Voici Charlottenbourg et bientôt le Thiergarten. Dans l’allée cavalière, quelques officiers et une amazone. Il monte jusqu’à nous une odeur de verdure mouillée ; partout circulent les balayeuses automobiles et les voitures d’arrosage : Berlin fait sa toilette, comme tous les matins, comme avant la guerre.

Le dépit un peu puéril que j’en éprouve s’ajoute à celui que j’ai ressenti hier : la traversée du Nord de la France et de la Belgique n’avait offert à nos yeux que ruine et dévastation. On pénètre en Allemagne, et l’on retrouve brusquement la netteté, l’ordre et la vie. Villages reluisants, fermes aux toits intacts, riches cultures sur l’une et sur l’autre rive du Rhin ; usines