Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UNE VOIX
DU
CANADA FRANÇAIS

Parmi tous les peuples que le sentiment du droit a dressés à nos côtés contre les barbares, parmi tous les membres de l’Empire britannique qui ont répondu à l’appel de la métropole anglaise pour la Belgique envahie, il est une nation que la France a vue venir combattre sur son sol avec un intérêt plus tendre : ce sont les Canadiens de langue française.

On ne les connaissait guère dans nos villes et nos campagnes ; et d’abord il y eut de la surprise chez les bonnes gens, chez nos soldats, quand ils entendirent ces beaux gars vêtus de khaki, armés et disciplinés à l’anglaise, et qui étaient pour eux « des Anglais, » parler français, un français naturel et populaire, avec un accent qui était bien de chez nous. On se reconnut vite ; et c’est ainsi que beaucoup de nos compatriotes découvrirent qu’il y avait une suite à la leçon de l’école qui leur avait appris la mort de Montcalm.

Quelques Français, avant la guerre, étaient allés là-bas : j’y suis allé en 1911, et retourné en 1916. Mes impressions sont sans doute celles de tout le monde ; et c’est leur banalité même qui m’enhardit à les noter ici. Lorsque, parti de New-York le soir, on débarque le lendemain matin à Montréal, c’est un enchantement. On s’est acclimaté à la vie américaine ; on aime ce grand peuple jeune, énergique, si idéaliste sous les apparences de ne connaître que business. Et, malgré tout, on n’a pas fait cent pas dans Montréal, qu’on respire plus largement, qu’on se sent plus à l’aise, et comme chez soi. On a vu des gens aller et venir d’une allure qui nous est familière ; on