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désapprouver l’action des troupes de Fiume a fait cause commune avec elles. La presse italienne presque tout entière a compris la gravité des événements et a pris position. Les journaux même qui avaient approuvé jadis l’expédition d’Annunzio à Fiume ont blâmé celle de Zara : ils ont tout de suite discerné que cette politique irrégulière pouvait conduire à un conflit avec les Yougo-Slaves et que d’autre part elle soumettait la discipline militaire à une épreuve qui risquait d’être fatale. Il est apparu à tous que ces aventures ne réglaient nullement la question de l’Adriatique, mais qu’en revanche elles développaient un état de rébellion et plaçaient le gouvernement dans la situation la plus délicate. M. Nitti qui combat les socialistes doit se demander parfois quelle sera leur attitude si les impérialistes amis de M. d’Annunzio continuent leurs entreprises, et dans quelle mesure, en pareilles circonstances, les révolutionnaires deviendraient les défenseurs de la légalité. La politique italienne, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, sera beaucoup moins compliquer le jour où elle sera libérée des affaires comme celles de Fiume et de Zara : tant que leur renouvellement sera possible, la situation du gouvernement de Rome sera bien malaisée. Tous les pays alliés, et particulièrement le nôtre, suivent avec attention ce qui se passe au delà des Alpes, à la fois à cause des sympathies sincères que nous éprouvons pour l’Italie, et en raison du besoin qu’ont les nations qui ont combattu et vaincu ensemble de travaillera la constitution de l’Europe nouvelle.


Nous ne dirons qu’un mot de la politique intérieure. La nouvelle Chambre vient à peine de se réunir : la session qui a commencé le 8 décembre sera nécessairement très courte et presque tout entière remplie par les validations et le vote des douzièmes provisoires. Les deux semaines où ils vont siéger permettront surtout aux élus de prendre contact et de préparer l’avenir. La Chambre sait que, si on attend beaucoup d’elle, on ne lui demande pas d’avoir tout de suite de trop vastes pensées. Au contraire le public lui sera reconnaissant de sérier les questions et de montrer son aptitude à un travail ordonné. Ce n’est guère qu’après le 1er janvier que commencera l’œuvre de l’Assemblée. Comment ne pas indiquer tout de suite, cependant, avec quelle émotion, quelle reconnaissance et quel enthousiasme a été accueillie par tous, au Parlement et dans le pays entier, la rentrée des représentants de l’Alsace et de la Lorraine ? Il y a presque un demi-siècle que le traité de Francfort les tenait douloureusement éloignés de la Chambre française. Le Traité de Versailles