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Suprême que M. Simson était allé faire un rapport oral à Berlin et demandait que la séance annoncée fût retardée jusqu’au retour des experts. Dans les jours suivants, le gouvernement allemand envoyait deux noies aussi surprenantes par le contenu que par le ton.

Les prétextes invoqués par l’Allemagne pour prolonger la discussion touchent à l’affaire de Scapa-FIow et à la situation des prisonniers allemands retenus en France. Il n’est pas besoin d’en faire un examen détaillé pour connaître ce qu’ils valent. Le gouvernement de Berlin trouve que les sacrifices que le Conseil suprême lui demande en compensation des navires coulés à Scapa-FIow sont trop lourds et assure que sa navigation et son commerce seront ruinés, s’il est obligé de livrer tout le matériel qui lui est réclamé. Il se plaint ensuite, comme s’il était lésé, et parfois sur un ton d’accusateur, de ce que les prisonniers allemands qui sont encore en France y restent jusqu’à la mise en vigueur du traité. Mais pour régler ces deux questions, l’Allemagne avait un moyen simple : c’était de faire exposer par ses conseillers techniques les arguments qui concernent sa situation maritime, et c’était de faciliter la mise en vigueur du traité, qui aura pour conséquence immédiate le renvoi des prisonniers. Elle a fait exactement le contraire. Elle a retiré à ses experts toute occasion de s’expliquer en les rappelant, et elle a consciemment empêché l’application de la paix, qui lui aurait rendu les prisonniers qu’elle réclamait. On voit assez pourquoi. En affectant de prendre le rôle de victime, elle a essayé d’exciter l’opinion allemande contre les Alliés, en particulier contre la France. En dirigeant ses plaintes tantôt contre l’Angleterre, à propos de Scapa-FIow, et tantôt contre nous, à propos des prisonniers, elle a espéré jeter quelque trouble dans le Conseil suprême, el, selon une vieille méthode allemande, faire naître des divergences entre les Puissances qui l’ont battue.

Il y a autre chose dans la manœuvre allemande, et c’est peut-être le plus important. La mise en vigueur du traité de paix obligera le gouvernement de Berlin à livrer les Allemands qui se sont rendus coupables de crimes durant la guerre. Cette heure de l’expiation sera aussi l’heure de l’humiliation et de la déchéance pour le militarisme germanique. Le jour où les représentants les plus notoires du système pangermaniste seront extradés et jugés comme des criminels, le régime militaire de l’Empire qui a fait la guerre aura reçu un coup retentissant. S’il y a quelque chance pour que l’Allemagne se renouvelle un jour moralement, c’est par l’effet de l’application complète