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de telle sorte que le courant électrique arrive dans la cuve par une petite lame métallique qui y plonge et en ressort par une autre lame métallique. Si le sel en solution dans l’eau est par exemple du sulfate de cuivre, on observe que du cuivre se déposera sur l’une des lames, tandis que le restant du sulfate (c’est-à-dire l’acide sulfurique) se dégage sur l’autre lame.

Tout se passe comme si la combinaison acide sulfurique-cuivre s’était trouvée dédoublée dans la solution, en deux parties qu’on appelle des ions (ιων = qui voyage, qui se déplace), dont l’une chargée d’électricité négative remonte le courant électrique, dont l’autre chargée d’électricité positive le descend. Ce phénomène qui est très général et qu’on appelle l’électrolyse des solutions est utilisé par l’industrie dans la galvanoplastie pour fixer des couches métalliques (au moyen d’une solution d’un sel du métal considéré) sur des objets variés.

Ce qui est remarquable dans ce phénomène, c’est ceci : c’est que si on fait passer, dans des conditions convenables, un courant électrique donné à travers des solutions des métaux les plus divers, la quantité des divers métaux charriés par le courant en un temps donné est proportionnel à ce que j’ai appelé dans ma dernière chronique le poids moléculaire de ces métaux. Par conséquent, la quantité d’électricité transportée par une molécule-gramme d’un corps quelconque est la même ; par conséquent, il existe une charge élémentaire d’électricité qui est transportée par les « ions » de tous les corps en solution électrolytique. Comme nous connaissons la quantité d’électricité qui est nécessaire pour transporter une molécule-gramme d’un corps, il nous suffira de connaître exactement le nombre N (que j’ai établi dans ma dernière chronique) des molécules contenues dans une molécule-gramme pour connaître la charge réelle d’électricité transportée par un ion élémentaire. Mais dès maintenant ces expériences nous conduisent elles aussi et par une voie indirecte à la notion d’un atome d’électricité commun à tous les corps.

L’idée que l’électricité pût avoir une structure continue, une structure granulaire a longtemps paru choquante à beaucoup d’hommes de science, et on a vu renaître au sujet de la nature de l’électricité, les mêmes controverses qui, au sujet de la matière, avaient, depuis des siècles, séparé ceux qui la croyaient continue, et cens pour qui elle est discontinue. Mais tandis que pour la matière la question pouvait et devait évidemment se poser, le sens commun était