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REVUE DRAMATIQUE


Comédie Française : l’Hérodienne, pièce en trois actes en vers, par M. Albert du Bois. — Requête à Mme Bartet.


Le besoin se faisait-il sentir d’une autre Bérénice ? Nous avons celle de Racine : on pouvait s’y tenir. Je sais très bien que tous les sujets peuvent se reprendre et toutes les pièces se refaire, parce que tout change, les idées et les procédés d’art. Encore faut-il que l’œuvre nouvelle soit conçue de manière assez différente pour parer à toute possibilité de rapprochement. Peut-être, en effet, y avait-il moyen de mettre à la scène une autre Bérénice. La Bérénice de Racine ne ressemble guère à la Bérénice de l’histoire, et on sait à quel point nous sommes férus d’exactitude historique et de documentation rigoureuse ! On aurait pu reconstituer la figure de la Bérénice réelle et l’opposer à l’image idéalisée que nous en ont donnée les poètes. Je lis dans la grande édition de Corneille par Marty-Laveaux, cette note savoureuse : « L’histoire nous montre Bérénice, fille d’Agrippa, roi de Judée, née l’an 28 de Jésus-Christ, comme une femme corrompue qui, après avoir épousé d’abord son oncle Hérode, roi de Chalcis, puis Polémon, roi de Cilicie, lequel s’était fait juif pour elle, fut répudiée par lui à cause des débordements auxquels elle se livrait. Titus, parvenu à l’empire à trente-neuf ans, jugea indispensable de s’en séparer : elle était alors âgée de cinquante-et-un ans. » C’est la dernière aventure d’une femme galante, le banal abandon de la vieille maîtresse par l’amant plus jeune et qui, à la veille de s’établir, juge le moment venu de faire situation nette. Mais cette version n’est pas celle qui a été adoptée dans l’Hérodienne et, au surplus, je ne le regrette pas.

Dans l’Hérodienne comme dans Bérénice, il s’agit de deux parfaits amants, ornés de toutes les vertus et dignes de toutes les sympathies,