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BERLIN DEPUIS L’ARMISTICE


Berlin, novembre 1919.

Paris aux premiers jours de mars 1871, Berlin au début de décembre 1918, après que quelques semaines ont commencé à dissiper la stupeur produite par l’effondrement, que d’analogie pour qui a vécu les deux moments de l’histoire ! Déception, pertes, privations, fièvre obsidionale, nous retrouvons ici, à des degrés différents, ce que nous avons souffert alors. Le nouvel ordre de choses, en Allemagne comme en France, est issu d’une révolution devant l’ennemi. Les mêmes causes vont-elles produire les mêmes effets ?

La déception en Allemagne était immense. La campagne de bluff et de mensonge menée par l’Etat-Major avait perpétué au delà de toute imagination l’effet réel des succès du printemps de 1918. Après Sedan et Metz, nous n’espérions plus la victoire, nous ne luttions plus que pour l’honneur, tout au plus pour une amélioration des conditions de paix obtenue de la lassitude de l’adversaire. Jusqu’au commencement d’août 1918, toute l’Allemagne croyait encore à notre écrasement. Subitement, sous l’effet des coups répétés d’un ennemi qu’on croyait incapable, de réagir, la colère contre les dirigeants amena ce qu’on n’aurait jamais attendu des Allemands, le balayage en un jour de toutes les dynasties, le renversement de toutes les autorités.

Les pertes en hommes pesaient lourdement sur le moral du pays, si les destructions matérielles étaient négligeables, le territoire national ayant été à peu près complètement épargné. L’effet du court passage des Russes en Prusse orientale était presque complètement effacé. Les destructions y avaient été insignifiantes, vu la conduite exemplaire des troupes du tsar.