personne qui consentit à garder les « précieux otages. »
Car, en général, les membres de la Commune, une fois repue la vanité de tenir un rôle, ne se montraient pas très ardents à l’accomplissement de leurs devoirs : il fut un temps où le Conseil général devait faire chercher par des gendarmes ceux de ses membres qu’il désignait pour aller au Temple ; même les séances de la Commune étaient désertées : certain soir, sur deux cent quatre-vingt-huit municipaux, dix-neuf seulement siégeaient à l’Hôtel de Ville. Ces pauvres gens s’étaient vite lassés de leur gloire éphémère et cela explique cette sorte d’indifférence avec laquelle ils prenaient, pour la plupart, la faction auprès du Roi détrôné. Si l’on excepte quelques énergumènes, tels que le tailleur de pierres Mercereau qui, en tablier de cuir, « dans les vêtements les plus sales, » s’installait sur le canapé de la Reine et accaparait la place, devant la cheminée du Roi, ou Jacques Roux, l’ex-prêtre, qui, de garde dans l’antichambre « des femmes, » chantait toute la nuit à plein gosier, les autres allaient là sans curiosité, comme sans entrain, ennuyés de cette corvée dont ils ne retiraient pas la satisfaction espérée ; plus nuls que méchants, ils obéissaient à l’impulsion reçue ; l’un d’eux, Jean Chevalier, avouait : « Nous sommes un ramassis d’hommes, presque le plus grand nombre ineptes, dont les uns sont d’honnêtes gens, les autres, sans principes qu’une démocratie effrénée, et dont quelques-uns sont de vrais scélérats. Il faut, en général, parler leur langage… » Moelle, visant spécialement le Conseil du Temple dont il fit partie à diverses reprises, a écrit : « Je n’y ai guère vu que des hommes honnêtes, mais faibles, que la crainte et les événements avaient maîtrisés. » Par malheur, lorsque ces piteux démagogues se trouvaient réunis à l’Hôtel de Ville, sous l’éloquence débraillée de Chaumette ou sous le regard soupçonneux d’Hébert, ils croyaient devoir, pour se montrer « à la hauteur, » rivaliser de cynisme, de sottise et de platitude. Ils se revanchaient alors de l’attitude embarrassée, quasi honteuse, qu’ils gardaient en présence des prisonniers du Temple, et invectivaient à distance cette Reine et ce Roi malheureux que, de près, ils n’osaient tracasser que timidement. La lecture des rapports du Temple suscitait chaque soir à la Commune des surenchères de lâche grossièreté ; on s’ingéniait à désigner Louis XVI sous les sobriquets les plus grotesques : Louis le