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auraient, si elle n’arrivait pas à des résultats réels, serait à la mesure de leur confiance et de leur espoir. Le Parlement se trouvera dans une situation qui réclamera d’autant plus son attention qu’il aura une opposition socialiste dépourvue de responsabilités, n’ayant plus rien à perdre, et prête à répandre les promesses et les illusions. Et surtout il se trouvera en présence de problèmes multiples dont les solutions raisonnables, par exemple au point de vue financier, ne sont pas les plus facilement acceptées. Nous savons qu’il aura de la peine, mais nous savons aussi qu’il sera soutenu par l’opinion, et qu’il lui est possible de mener à bien une entreprise qui intéresse l’avenir même de notre pays. Pour réussir, il lui faudra tout de suite montrer qu’il a une méthode et qu’il a la volonté d’aboutir. On ne lui demande pas de tout faire : bien au contraire, l’abus des discours, la continuité des séances, le mélange de toutes les discussions sont parmi les mœurs parlementaires celles qui ont donné la plus fâcheuse impression d’impuissance. On lui demande de choisir ce qui est essentiel, de sérier les questions, de mettre de l’ordre dans les dépenses publiques, de faire appliquer le traité de Versailles, d’assurer la marche des grands services administratifs, de respecter les libertés publiques et les initiatives, de maintenir la paix sociale. Le Parlement n’est pas un instrument de gouvernement : c’est un moyen de contrôle. Il est sorti démesurément de ses attributions : on réclame avant tout qu’il consente à y rentrer.

Mais ensuite on réclame qu’il fasse bien ce qu’il fera. Il y a dans Renan une phrase admirable et dangereuse sur la sagesse politique. Parlant des difficultés que rencontra le christianisme à ses origines et de l’art avec lequel les dirigeants les laissèrent lentement se résorber, l’historien écrit : « Avec un bon sens profond, ces gens simples atteignirent le plus haut degré de la politique. Ils virent que le seul moyen d’échapper aux grandes questions est de ne pas les résoudre, de prendre des moyens termes, qui ne contentent personne, de laisser les problèmes s’user et mourir faute de raison d’être. » Cette maxime pleine de sérénité est sans doute applicable en bien des circonstances. Mais il en est où, si elle était suivie, elle conduirait à la pire des fautes. Nous sommes à un de ces moments où l’action est nécessaire. L’avènement d’une Chambre nouvelle et animée d’un esprit réaliste ne supprime pas les problèmes : il en confie l’étude et la solution à des hommes expérimentés. Il n’invite pas à l’immobilité d’un conservatisme étroit : il engage à l’élaboration active, généreuse et avisée de l’avenir. La guerre a précipité dans le monde