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a révélé des imperfections qu’il faudra corriger. Mais c’était un expédient, un scrutin de transition et il a fait son office. Il a révélé qu’il était viable ; il a même prouvé que les calculs qu’il imposait étaient faciles et plus rapides qu’on n’imaginait. Malgré les railleries dont la nouvelle mathématique électorale a été l’objet, toute la France a montré qu’elle avait passé par l’école et qu’elle ne voyait de mystères impénétrables ni dans une addition, ni dans une division, ni dans une moyenne, ni même dans un quotient. Elle a discerné tout de suite, ce qui est plus important, que si le nouveau scrutin permettait l’union d’hommes qui voulaient les mêmes choses, il ne facilitait plus le groupement de ceux qui voulaient au fond des choses différentes. Les socialistes unifiés ont tout de suite pris leur parti : ils ont déclaré qu’ils n’admettraient sur leurs listes que leurs affiliés. Qu’allaient faire les radicaux ? Beaucoup se sont délibérément rapprochés des listes d’union nationale, qui représentaient leurs préférences véritables et ils ont eu ainsi l’occasion de se changer en eux-mêmes. Les radicaux-socialistes ont été plus embarrassés : ils ont subi le sort qui leur était prédit depuis longtemps. Pris entre les socialistes qui ne voulaient pas d’eux et les républicains qu’ils ne trouvaient pas assez purs, ils sont demeurés seuls, et comme ils ne représentaient clairement ni la révolution ni la paix sociale, ils ont perdu beaucoup d’électeurs. Leurs chefs les plus représentatif, les partisans les plus connus de l’alliance avec le parti socialiste ont été battus. La part même que certains ont prise aux utiles travaux de la Commission de l’armée ne les a pas sauvés. Le parti radical-socialiste demain risque de n’être plus qu’un groupe vivant à l’ombre des unifiés : la plus grande partie des radicaux se trouve, par les conditions même des élections, rapprochée des républicains plus pondérés de l’alliance démocratique que préside l’honorable M. Adolphe Carnot.

Si l’on essaye de définir maintenant la physionomie du futur parlement, il est possible d’en fixer les deux traits essentiels. La Chambre sera d’abord dans l’ensemble beaucoup plus modérée que la précédente ; elle sera ensuite composée de nombreux éléments nouveaux. Dans l’Assemblée élue en 1914, l’extrême gauche avait 104 sièges, les républicains-socialistes avec leurs 36 sièges et les radicaux et radicaux-socialistes avec leurs 257 sièges formaient la majorité, les éléments modérés étaient représentés par les 77 républicains de gauche, les 59 progressistes et les 42 libéraux ; la droite conservatrice enfin avait 27 sièges. Les cinq années de 1914 à 1919