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qu’elle aurait pu l’être et ainsi s’expliquent quelques résultats qui, surtout dans la région parisienne, auraient pu être meilleurs. Mais dans l’ensemble elle a été observée par les candidats comme par les électeurs, et elle a réussi. Là où il n’y avait pas de ces listes d’union, les votes se sont répartis entre les diverses listes et souvent en faveur des conservatrices plutôt que des radicales. Partout où elles existaient, ce sont ces listes d’union nationale qui ont déterminé le sens des élections. L’Alsace-Lorraine a été tout de suite favorable à cette conception. Au moment où nous avons la joie de voir reparaître parmi les résultats des élections de France les noms de Metz, de Strasbourg, de Colmar sous le vocabulaire de Haut-Rhin, de Bas-Rhin et de Moselle, nous pouvons admirer aussi avec quel sens patriotique s’est accomplie l’union des fédérations de gauche et des catholiques. Dans la très grande majorité des départements, le même phénomène politique s’est produit.

Les élections ainsi comprises avaient pour conséquence une transformation du parti radical : si elle n’est pas achevée, on peut dire qu’elle est inévitable. Le parti qui s’intitulait radical et radical-socialiste, et qui a été si prépondérant dans les précédentes Chambres, portait en lui une conlradiction.il était composé d’éléments antithétiques, dont les uns inclinaient vers les idées modérées, et dont les autres avaient d’étroites affinités avec les idées socialistes. Il n’a pas été gêné par ce paradoxe aussi longtemps que la politique a supporté plus de paroles que d’actes. Mais les faits devaient fatalement dissocier un jour cette combinaison illogique et ce moment est venu. Le scrutin nouveau, qui a fonctionné le 16 décembre, a d’ailleurs beaucoup aidé à rendre la situation claire. Tant que les élections ont été faites au scrutin d’arrondissement, le jeu du parti radical a été simple. Au premier tour de scrutin, tous les candidats couraient leurs chances et, là où les modérés avaient une situation personnelle assez forte, ils pouvaient l’emporter. Mais au second tour, les radicaux et les socialistes pratiquaient une alliance étroite. Dès qu’ils se trouvaient en présence d’un candidat modéré, ils présentaient un seul candidat radical ou socialiste, qui additionnait toutes les voix de gauche, et ils gagnaient presque tous les sièges. Si le candidat modéré, voyant la partie perdue, se retirait de la lutte, le radical et le socialiste pouvaient demeurer en présence l’un de l’autre, mais il ne restait plus aux électeurs modérés qu’à choisir entre deux maux le moindre. Le nouveau scrutin a fait périr ce système d’alliances. Assurément il n’est pas sans défaut, et l’expérience