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RÉCEPTION DE M. JULES CAMBON
À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

« A l’heure où vos suffrages distinguaient les soldats dont l’épée a sauvé le pays, vous avez voulu que la diplomatie française, dont l’action prévoyante lui avait procuré le concours de ses alliés, ne fût pas oubliée. » Ainsi a parlé M. Jules Cambon, le 20 novembre, dans la séance où il a pris place à l’Académie, reportant modestement à ses fonctions et à un corps collectif l’honneur qu’il recevait. Que cet honneur, cependant, après tant de grandes charges, lui ait été justement rendu, son discours seul suffirait à le montrer.

C’est un des meilleurs qui se puissent entendre, plein, exact et savoureux. De ce qui a rempli sa vie, M. Cambon a composé quelques pages dont pas un mot n’est vain, riches de réflexion, d’expérience et de doctrine. Il les a lues avec beaucoup de simplicité. Debout entre M. Poincaré et M. Denys Cochin, le nez sur les grands feuillets qu’il tenait à deux mains, sans un geste, sans une inflexion, les épaules rondes, le lorgnon attentif, deux petites mèches droites de chaque côté du crâne, il a visiblement dédaigné les effets de l’éloquence. Mais la justesse et la force du texte paraissaient toutes seules, et tout ce qu’il a dit du rôle loyal et apaisant de la diplomatie, a été coupé d’applaudissements.

Il remplaçait Francis Charmes, qui avait été son ami, et il en a tracé un portrait très exact : « De petite taille et d’apparence solide comme un chêne de ses montagnes, il exerçait dans sa famille l’autorité de l’aîné. Bien qu’il fût d’origine janséniste, son humeur était enjouée : il se plaisait dans le monde et dans la société des femmes ; il était sensible à tout ce qu’elles apportent de grâce et de délicatesse dans la vie. C’était un ami incomparable, discret, sûr et de bon