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UN AN APRÈS L’ARMISTICE

AUX RÉGIONS DÉVASTÉES

II[1]
AUTOUR DE LILLE

D’un côté de Lille, a une demi-heure en tramway, Roubaix et Tourcoing ; d’un autre côté, à trois quarts d’heure en automobile, Armentières, Bailleul, la Vallée de la Lys : quelle différence ! Roubaix et Tourcoing n’ont pas visiblement souffert. Ce sont toujours, — Roubaix surtout, car la physionomie de Tourcoing est plus intime, plus vieille France, — des villes sombres où s’accuse violemment l’antithèse ent.re le luxe architectural des patrons et les mornes habitations ouvrières.

Roubaix vaut mieux que ses agitations socialistes et que les façades insolentes de son capital ; et il l’a prouvé pendant l’occupation allemande où il a refusé aux envahisseurs ce qui constitue sa dignité et sa raison d’être : le travail. Au début, les Allemands voulaient forcer les usiniers à travailler. Quelques petits fabricants crurent qu’ils pouvaient le faire pour les besoins de la population. Mais, quand ils s’aperçurent que ce serait pour les Boches, ils s’arrêtèrent. Menaces et emprisonnements, rien ne put vaincre leur résistance. Dans certaines maisons, les Allemands ne trouvaient devant eux que des femmes. À leur grand étonnement, ces femmes furent aussi obstinées que les hommes. Alors, ils volèrent ou brisèrent tout dans les usines. Le jour de l’armistice, les fabricants ne possédaient

  1. Voyez la Revue du 15 novembre.