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cette alternative et orientent leurs pensées en conséquence, ce qui est exactement ce que tu pensais et espérais. J’ai pensé qu’il valait mieux aborder ce sujet avec les Danois et je me suis abstenu de toute allusion. Il vaut mieux laisser l’idée se développer et mûrir dans leur tête et les laisser tirer eux-mêmes les conclusions, de telle sorte qu’ils en viennent eux-mêmes à rechercher notre appui et à se ranger aux côtés de nos deux pays. Tout vient à point à qui sait attendre. Au sujet du départ de Charles pour la Norvège, !a question a été réglée dans ses moindres détails ; l’Angleterre ayant consenti à tout, il n’y a rien de plus à faire. J’ai parlé à Charles de ses projets ; je l’ai trouvé très modéré et sans illusion sur sa tâche. Que penses-tu du programme des fêtes que l’on prépare à Cowes pour tes alliés ? Tous les vétérans de ta guerre de Crimée ont été invités à venir saluer leurs anciens frères d’armes qui combattirent avec eux autrefois contre la Russie. C’est vraiment très délicat ! Cela te montre bien combien j’avais raison quand je te mettais en garde, il y a deux ans, contre le danger de la reconstitution de la vieille combinaison de Crimée qu’ils ressuscitent rapidement pour une vengeance. Le temps était beau. Mes meilleures amitiés à Alice.

« WILLY. »


Dans ce télégramme, comme on vient de le voir, l’empereur Guillaume, après avoir constaté et expliqué, à sa manière, l’inquiétude et la défiance produites en Danemark par sa visite, fait pour la première fois allusion à un plan qui avait été évidemment discuté entre lui et l’empereur Nicolas à Bjorkoe, et qui consistait, en cas de guerre de la Russie et de l’Allemagne contre l’Angleterre, à faire occuper le Danemark par des forces russo-allemandes. En même temps, Guillaume II m’y attribue certaines déclarations visant une soi-disant tendance du ministre des Affaires étrangères du Danemark et d’autres dirigeants danois à chercher dans une pareille combinaison une garantie pour l’intégrité de leur pays et le salut de la dynastie. Ce télégramme, lorsqu’il fut publié par le gouvernement russe révolutionnaire en 1917, produisit une certaine émotion dans les pays Scandinaves, surtout en Danemark, car il révélait un plan dont rien n’avait transpiré jusque-là et semblait impliquer que la diplomatie russe, en ma