(Notwehr), dont l’Allemagne avait voulu justifier l’invasion de la Belgique, était le corollaire du militarisme.
Von der Lancken, alors, dans une longue riposte du 6 octobre, prit à partie la politique anglaise, et voulut amener le cardinal à un entretien sur l’état de l’Europe en 1914 : son correspondant lui dit très net que le débat s’élargissait trop, et l’on fut d’accord pour en rester là.
II ne s’agissait plus de philosophie, lorsque, le 15 octobre 1916, von der Lancken fit visite à l’archevêché. Une lettre pastorale, intitulée : La Voix de Dieu, avait rendu von Bissing furieux ; il arrivait pour arranger l’affaire. Ayant conquis, par deux mois et demi de dialogue philosophique avec le cardinal, ses galons d’intellectuel, von der Lancken semblait faire bon marché des autres. Il parlait, avec quelque légèreté de ton, de ce « militaire entouré de militaires, » qu’était von Bissing. « Il n’y a peut-être rien dans cette pastorale, disait-il, qui puisse me blesser, moi ; mais, lui, il en juge autrement. »
Von Bissing faisait demander au cardinal pourquoi cette lettre n’avait point passé par la censure ; et Von der Lancken, tout prêt aux combinazioni, insinuait immédiatement : « N’y aurait-il pas moyen de laisser traîner une épreuve sur la table de l’une ou de l’autre maison où je suis reçu à Bruxelles ? » Le cardinal fit comprendre qu’il n’était pas l’homme de ces petits manèges. Von der Lancken signala une phrase, et puis trois mots, et puis un mot, qui avaient irrité le gouverneur. « Venez-vous me commander quelque chose ? interrogea le cardinal, ou seulement me demander ? — Je n’ai pas mission de vous commander quoi que ce soit, repartit von der Lancken ; mais je redoute des complications, j’ai peur que les imprimeurs ne soient punis. » Alors le cardinal : « Le jeu n’en vaut point la chandelle ; je réfléchirai aux moyens à prendre. » Il fit dire à ses prêtres de pratiquer, en lisant la pastorale, ces trois légères suppressions ; et quelques semaines plus tard il saisit une occasion de préciser par lettre à von der Lancken qu’il ne les avait consenties que parce qu’on n !avait rien exigé.
Von der Lancken, en le quittant, lui dit à brûle-pourpoint : « Ne vaut-il pas mieux, dans l’intérêt de votre pays, éviter des protestations qui ne servent à rien ? » La réplique qu’il eut à subir atteste la différence profonde qui sépare un philosophe chrétien d’un élégant manieur d’arguments : en quelques minutes,