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avaient couru avec persistance, d’après lesquels Guillaume II se proposait d’obtenir, par voie d’accord avec la Russie et la Suède, la fermeture de la Baltique aux navires de guerre de tous les États non riverains de cette mer. Une campagne en ce sens avait été faite par la presse officieuse allemande, ce qui éveilla des inquiétudes tant en Danemark qu’en Angleterre, et détermina même le gouvernement anglais à envoyer, un peu plus tard, une de ses escadres, faire une croisière dans la mer Baltique en touchant à différents ports danois, suédois et allemands. Cette croisière provoqua un vif mécontentement dans la presse allemande.

La visite de l’empereur Guillaume à Copenhague, ou plutôt au château de Bernstorff où se trouvait la famille royale, devant avoir un caractère tout à fait privé, il était entendu que le corps diplomatique étranger n’aurait aucune occasion de se rencontrer avec le souverain allemand : je fus donc très étonné lorsque le ministre d’Allemagne, M. de Schoen, — celui-là même qui devait se trouver à Paris comme ambassadeur au moment de la déclaration de guerre en 1914, — vint me dire que l’empereur Guillaume désirait me voir. Il ajouta que, me trouvant seul dans ce cas parmi les ministres étrangers accrédités à Copenhague, j’étais prié de garder le secret sur cette audience ; en essayant de pénétrer les raisons qui me valaient un honneur aussi exclusif, je ne pouvais m’imaginer que Guillaume II entendait recevoir, en ma personne, le représentant d’un nouvel et précieux allié qu’il se flattait d’avoir acquis à Bjorkoe ; je crus simplement que l’empereur Nicolas lui ayant parlé de ma prochaine nomination à Berlin, il était curieux de me connaître avant mon arrivée. Je ne m’étais encore jamais rencontré avec l’empereur Guillaume, et la perspective d’un entretien avec lui, je l’avoue, m’impressionnait beaucoup.

L’audience eut lieu le soir, à la légation d’Allemagne, et fut entourée d’un profond mystère.

C’est à la conversation que j’eus avec lui au cours de cette audience que Guillaume II fait allusion dans un télégramme qu’il adressa à l’empereur Nicolas, dès son retour en Allemagne, le 2 août 1905, et dans lequel il lui rend compte de son séjour en Danemark.

Voici ce télégramme que je crois devoir citer en entier :