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UN AN APRÈS L’ARMISTICE

AUX RÉGIONS DÉVASTÉES

Une année s’est écoulée depuis l’armistice, une année pendant laquelle nous avons essayé de réapprendre à vivre une vie normale. Cette victoire si chèrement conquise, si patiemment attendue et avec tant de confiance, ne pouvait ramener la Paix telle qu’on la voit dans les anciennes images, souriante, lumineuse, les mains chargées d’épis. Nous avons été trop blessés. Notre Paix a les yeux graves et tristes, le front soucieux. Elle marche à travers des cimetières et contemple des champs de ruines. Cependant elle est la Paix, la Paix victorieuse, une excitatrice d’énergie et une grande guérisseuse. Qu’a-t-elle fait jusqu’à présent pour ces provinces saccagées, qui représentaient une notable partie de la richesse française ? Je viens d’en visiter quelques points, et mes impressions sont celles d’un passant qui a fidèlement enregistré ce qu’il voyait et ce qu’il entendait. On entend partout à peu près les mêmes choses et les décors sont partout les mêmes. Du moins, on peut être assuré de rendre assez exactement l’état d’esprit de ces villes et de ces campagnes à la fin de septembre 1919.


ARRAS

La gare n’est plus que le spectre déchiqueté d’elle-même. On franchit des baraquements et on se trouve dans une étrange ville. Elle n’est pas, comme Albert aperçu du train, un monceau de ruines noires. Elle vit ; elle semble vivre. On descend sa longue et sinueuse artère ; on voit bien à