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— Notre bonheur coûte des larmes ?… À qui ?… Je ne comprends pas bien…

Pouvait-il se douter que sa femme avait rencontré Aïcha, lui avait parlé et, mieux encore, avait reçu ses confidences et l’avait serrée dans ses bras ?

— Tu as aimé une jeune fille avant de me connaître, Didenn. Il ne faut pas l’oublier… Et puis, elle pâlit à son tour. Défaillante, elle s’appuya légèrement sur la poitrine de son époux. Didenn referma sur elle ses bras de Sid : il lui jura qu’avant de la connaître, il ne savait pas ce que c’était que le véritable amour.

— Dis-le-moi cependant, Zoulikha, dis-le moi à cœur franc : de qui veux-tu parler ?

Zoulikha rappela son courage, fît taire sa douleur, et fermement :

— Je veux parler d’Aïcha, votre voisine !

— Aïcha ! s’écria Didenn, tu l’as vue, elle a osé te parler ? À quel endroit ? Aujourd’hui ?

En toute réponse, lalla Zoulikha inclina sa tête. Et elle demeura pensive.

Didenn crut avoir perdu à jamais l’estime et l’affection de la fille des Marabouts. Il voulut s’excuser.

— Femme, dit-il, pardonne un égarement de jeunesse… le conseil de ma jeune raison… Je ne te connaissais pas… Je ne savais pas qu’il pouvait y avoir, caché pour moi seul, une âdra comme toi…

— Mais, interrompit-elle en lui caressant soudain ses cheveux bouclés, je ne te fais aucun reproche… Aimer n’est pas une faute… L’amour, l’économie et la mort, l’homme ne peut leur échapper… Je veux seulement que tu répares, comme un Sid doit réparer !

— Réparer ? interrogea-t-il. Réparer ? Comment réparer ?

Et comme Zoulikha se taisait, cherchait les mots pour lui déclarer enfin cette chose si grave, il s’inquiéta. Il lui prit vivement les mains :

— Allons, parle, pressa-t-il. Commande. Je ferai ce que tu voudras. Pourvu que tu me pardonnes, toi, et que tu me restes.

Zoulikha se redressa. Elle fixa sur son mari ses beaux yeux purs.