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— Sidi, toi tu es un ârif, et moi je…

Le mot meurt sur les lèvres de Zoulikha.

Ah ! si ce n’était le terrible témoin de cette Dadda ! La vieille négresse se tient là, en un coin de la chambre, braquant sur les époux un œil sévère, de crainte que, dans un élan fou, Didenn n’oublie le rite sacré qui lui interdit de posséder à nouveau sa femme, avant que les « sept jours » soient écoulés…

Les sept jours ont passé. Le jour du Bain de la Mariée, tant attendu, est enfin là. Zoulikha se dispose à se rendre au hammam, avec ses belles-sœurs et des amies de son âge. C’est aussi jour de sortie pour Didenn. Afin de calmer son impatience, il va descendre à Tlemcen faire un tour dans les rues fraîches, sous les platanes, prendre des nouvelles de la chère petite cité, comme c’est le devoir d’un bon Musulman. Il entrera faire une visite à ses amis les talebs de la médersah, recevra la bénédiction de son vieux maître, écoutera chanter quelques sourates du livre de Dieu. Et il remontera dès le coucher du soleil, après avoir acheté pour sa femme le cadeau traditionnel du soir du Bain. Le gourmand Didenn se promet une heure délicieuse de flânerie par la ville avec la pensée d’une seconde nuit d’amour enfin permise dans les bras de son épouse parfumée…

Midi. La vallée dort sous un ciel d’airain. Pas une âme sur la longue route du Marabout, dont les sapins sont immobiles et les pierres brûlantes.

Le visage contre la lucarne de son gourbi, ses doigts maigres agrippés aux barreaux, Aïcha se tenait suspendue, le corps las, l’œil alourdi par la chaleur et la fièvre. Elle dressait le cou, anxieuse. Elle attendait. Elle savait qu’aujourd’hui était son jour de sortie et que tout à l’heure, il allait passer sur la route. Après qu’elle avait maudit le traître jusqu’à la mort, après qu’elle l’avait repoussé comme le sang de ses dents, elle était revenue à des sentiments de douceur et d’indulgence. Elle pensait bien que son ami d’enfance ne pouvait pas l’avoir trahie de son propre gré, qu’il avait dû obéir à la volonté de ses parents dans ce mariage, qu’un fils de sidis après tout est l’esclave des convenances du harem… Et elle lui pardonnait, et elle ne désirait qu’une chose : le revoir, et qu’il lui dise : « Aïcha, tu es toujours dans mon cœur… Auprès d’une autre femme, fût-elle la houri des jardins, je serai toujours pante-