Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répond, le 10, à une lettre de Clarke que celui-ci a sans doute fait porter par un officier de son État-major : « L’Empereur, dit Fain, a trouvé à Michalewska un officier du doc de Bellune et l’estafette de Paris. » Clarke s’est attribué le mérite de l’arrestation de Rabbe et de celle du général Lamotte, — celle-ci si justement disputée par Savary. Il a dénoncé Frochot avec haine : « Ce que vous me dites de la conduite du préfet de Paris m’étonne, » lui répond l’Empereur, et Savary marque aussi « cette opiniâtreté du duc de Feltre » contre le préfet. Quoi qu’il en soit, l’Empereur, dès le 7, répond au duc de Feltre : « Faites partir pour Mayence le 1er bataillon du régiment de la Garde de Paris, et la 10e cohorte pour Brème. » Cela est évidemment écrit en grande presse [1], mais suffit à prouver, — si même on ne trouve pas par la suite d’autre lettre de même date [2] adressée à Clarke, — que celui-ci a pris les devants, de façon à donner à l’Empereur des impressions que les dépêches de ses collègues et du prince archichancelier ne pussent atténuer, à s’attribuer un rôle qui n’est nullement conforme aux faits, et, pour cela, à grossir ceux-ci d’une façon mensongère.

Toutefois Napoléon n’y est pas pris complètement. Lorsqu’à Smolensk, le 11, il aura dépouillé le courrier qui arrive de Paris, le premier besoin qu’il éprouvera sera de connaître la vérité entière, les origines et le développement des trames de Malet depuis quatre ans.

Réal est chargé de former d’abord un précis « simple et sans phrases » de l’affaire de 1808, avec les rapports de Fouché et de Dubois, et les interrogatoires d’alors ; puis on aura les rapports des divers conseillers d’Etat qui ont visité les prisons, et leur opinion sur Malet ; ensuite, la décision qui envoie Malet

  1. Chuquet. Ordres et apostilles, 2597.
  2. Pourtant il dut y avoir une autre lettre à Clarke. Car celui-ci écrit le 23 novembre à Hulin, à Deriot, peut-être à d’autres : « Général, il a été rendu compte à l’Empereur de la conduite que vous aviez tenue dans la journée du 23 octobre dernier.
    « Sa Majesté a bien voulu me charger, par un ordre du 7 de ce mois, de vous exprimer la satisfaction qu’il a reçue dans cette circonstance de votre dévouement (et de celui de sa garde).
    « Il m’est agréable, général, de vous transmettre ce témoignage, si honorable pour vous-même et pour les militaires auxquels ii est adressé.
    « Agréez, etc. »