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elle roule d’autres pensées, quand elle est là, devant le savant discoureur, les mains sur les genoux, « respectueuse. » Par delà les formes contingentes de la lutte, elle regarde le sens de la lutte. Le Formulaire, oui, sans doute, c’est de quoi il s’agit. Mais au fond, de plus encore. Il y va de l’esprit de Port-Royal. Qu’il y en ait un, bien spécial, même en temps ordinaire et hors de ces moments de crise, elle le savait déjà, elle qui a tant contribué à le former. Mais elle s’en rend mieux compte encore, en cet « exil, » où elle prend contact avec une autre famille spirituelle, avec ces Visitandines qui l’entourent, et qui essaient de la circonvenir. Elle les observe, et, dans une de ses lettres d’alors, elle apprécie le genre de « pureté », d’obéissance, de modestie, des filles de Saint François de Sales. Comme elle les dédaigne ! Comme elle les trouve inférieures, molles, moutonnières, puériles ! Non que ce soit leur faute ; c’est celle de leur idéal et de leur règle : « C’est une conduite trop peu solide, c’est un joug insuffisant. » En cette règle, comme en celle de presque toutes les « religions, » il entre « des maximes politiques ». La vraie direction chrétienne, le « joug » saint, mais logique, c’est le joug, c’est la « conduite » de ces docteurs augustiniens qui à la docilité allie la fierté de l’initiative consciente, qui trouve, dans la soumission aux plus rigoureuses maximes, le secret de la liberté indomptable. Or, cet esprit de Port-Royal, esprit haut, esprit libre, on le veut éteindre, et c’est lui que peut-être, par-dessus tout, il faut sauver, en sauvant celles-là seules, vases sacrés, où il existe... Mais vous voyez la conséquence... Cette préservation nécessaire d’un bien unique ne vaudrait-elle pas une signature, — trop visiblement extorquée, — une concession trop évidemment consentie à la crainte du scandale, à l’amour de la paix ? Vraiment, où est le devoir ? Elle ne le voyait plus nettement. Et c’est cela, quand elle écoutait Bossuet de septembre 1664 aux premiers mois de 1665, c’est cela, plus que la dialectique de Bossuet, qui la trouble [1].

Mais sur la nièce de la mère Agnès, fit-il aussi peu d’impression qu’elle l’affirme ? Il ne faut pas oublier plusieurs choses. D’abord, qu’elle signa le Formulaire et qu’elle le signa dans le temps même où Bossuet la chapitrait. Il est vrai que, pour

  1. Cf. Faugère, Lettres de la mère Agnès, et Victor Cousin, Mme de Sablé, p. 210.