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Parlement, à Montecitorio, on s’est battu, socialistes contre nationalistes, et le ministère est talonné, éperonné par le Fascio. La scène a été telle, elle a révélé un tel trouble, qu’il a fallu dissoudre la Chambre. Et ce n’est que le moindre mal. Les élections auront lieu le 16 novembre, suivant un mode de suffrage nouveau, au scrutin de liste par grandes circonscriptions, avec représentation proportionnelle. La « plate-forme » est toute trouvée : on votera pour ou contre Fiume italienne : o Fiume, o morte ! Cette exaltation, cet échauffement de six semaines ne seront pas sans danger, atténuons, sans inconvénient grave, au dedans et au dehors. Nationalement, on a vu comment la question se pose. Pour ce qui est des relations internationales, les contingents alliés, après que leur matériel a été pris en charge par le gouvernement italien, ont évacué Fiume, qui est au demeurant le seul point de la côte adriatique où nous n’eussions pas dû établir une base. Mais des navires, et surtout des navires américains, continuent à croiser en vue du rivage. M. Wilson, dit-on, n’aurait rien cédé, et la pression, au lieu de l’y incliner, l’aurait plutôt raidi. On ne peut que conseiller à tous, et souhaiter une infinie prudence. Que les uns s’abstiennent de discours par trop truculents, que les autres ne pincent pas trop, sur le ton de la menace, la corde du « ravitaillement. » On joue sur des nerfs d’écorchés. L’Italie aurait vite fait de crier cette fois, — l’assonance serait parfaite — Fiume, o fame ! Et il faudrait craindre le pire, si la froide raison n’avait sur les tempéraments les plus bouillants des prises secrètes, et sur elle-même des retours imprévus. Nous persistons à croire que tout s’arrangera, et que, à ce que tout s’arrange, après avoir failli se gâter, l’Italie n’aura rien perdu.

Un fâcheux effet de la dissolution de la Chambre italienne aurait été de retarder la ratification des traités. Mais on assure que le gouvernement, interprétant libéralement l’art. 5 du Statut, serait disposé à faire ratifier par décret royal au moins le traité avec l’Allemagne qui ne comporte pour l’Italie aucune modification de territoire. S’il donne suite à ce projet, surtout s’il se hâte de le faire, les Alliés ne pourront que lui en savoir gré. Le Traité de Versailles, on s’en souvient, doit entrer en vigueur entre les Hautes Parties contractantes dès qu’aura été dressé un « premier procès-verbal de dépôt des ratifications ; » et ce premier procès-verbal « sera dressé » dès que le traité aura été ratifié par l’Allemagne d’une part et par trois des principales Puissances alliées et associées d’autre part. » Mais, d’une part, l’Allemagne a ratifié le Traité de Versailles presque aussitôt