Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/931

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES

LES
MÉMOIRES DE LUDENDORFF


MEINE KRIEGSERINNERUNGEN, 1914-1918,
par ERCIH LUDENDORFF [1].

Je n’oublierai de ma vie les quelques jours qu’il me fut donné de passer au château de Versigny, au quartier général de la 10e armée, pendant la semaine historique qui précéda l’attaque du 18 juillet 1918. Au bout de la salle longue et étroite, aux murs couverts de plans directeurs, était disposé un trophée de ces cartes postales qu’on ramassait sur les prisonniers allemands. C’étaient des femmes nues, l’Empereur, des généraux. Au centre, un personnage occupait la place d’honneur. Un front immense, dégarni, un front de calculateur, fait pour les vastes combinaisons, les tableaux de mouvements d’armées ; là-dessous un regard de plomb et puis une bouche en coup de hache dans une mâchoire de cheval, au-dessus d’un menton empalé de fanons. Telle était cette figure glaciale, qu’un peintre de l’école moderne eut exprimée avec raison par une construction de cubes et de carrés. De grands traits sans noblesse, nulle souplesse d’échiné, une expression de froide morgue, par-dessus tout un caractère d’inflexible autorité. C’était une de ces physionomies avec lesquelles on sent qu’il n’y a pas le mot pour

  1. 1 vol. gr. in-4 de VII-628 pp. avec 10 cartes et 46 croquis. Miller et fils, Berlin, 1919.