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Constitution elle a opposé l’article 178 de la même loi fondamentale, lequel proclame, in generalibus, que, nonobstant toute apparence de disposition contraire, en aucun cas, aucun article de la Constitution du Reich ne porte atteinte aux stipulations du Traité de Versailles. Sur quoi, l’armée d’occupation a marqué le pas. Au lieu qu’elle marche, le Conseil suprême a ergoté, et l’acte de commandement s’est dilué en acte de procédure. Si l’on a pu dire du Traité lui-même que c’est un travail de salle de rédaction, on peut ajouter, de cet échange de notes, que c’est de la polémique de journaliste. Les affaires d’État réclament une autre tenue et un autre style. Chaque fois qu’on frappe, on risque ; mais le plus dangereux est de menacer et de ne pas frapper, de condamner et de ne point exécuter. Cela encore, les vieux maîtres l’ont dit. Mais, en cela encore, peut-être sont-ils trop vieux !

Quant à présent, il subsiste, pour nous, dans le Traité de Versailles et dans le Traité de Saint-Germain, rapprochés de la Constitution allemande, un aléa qui ne peut pas ne pas être éliminé. Les nations nouvelles ou renouvelées, que ces Traités devaient combler, en sont mécontentes, sinon blessées. Leur déception ne vient pas tant de ce qu’elles n’auraient pas obtenu, territorialement, tout ce qu’elles désiraient, mais plutôt de ce que, après avoir solennellement professé l’égalité en droit des grands et des petits peuples, dans le dessein, évidemment louable, de garantir, à l’intérieur de chaque Etat, la liberté des minorités ethniques ou religieuses, on les soumet à un contrôle qu’elles considèrent comme injurieux et attentatoire à leur souveraineté.

Comment l’une d’elles ne se rappellerait-elle pas qu’elle s’est jetée, et qu’elle a jeté le monde dans la guerre la plus épouvantable qu’il ait soufferte, précisément parce que sa souveraineté lui semblait outragée ? Pour cette même raison, la Pologne et la Tchéco-slovaquie n’avaient pas signé, sans un frémissement, le protocole annexé au Traité avec l’Allemagne. Pour cette même raison, la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, se sont refusés ou ont hésité à signer le Traité avec l’Autriche. De sorte qu’une paix, en grande partie faite pour les petits États, a d’abord été faite sans eux. Même lorsqu’ils se seront décidés, faute de pouvoir s’y dérober, à apposer leur signature sur le document qui, dans leur conscience ou dans leur sentiment, les lie, se figure-t-on qu’ils rempliront de bonne volonté un engagement qu’ils n’auront pas contracté de bon cœur ?