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l’Allemagne en ses vingt-cinq États tendant de toutes leurs forces, entre eux et pour le Reich, à un accroissement d’unité.

Pourvu encore que l’Autriche reste l’Autriche, et n’aille pas se fondre dans l’Allemagne ! Nous avions du moins inséré dans le Traité du 28 juin une clause d’interdiction. L’article 80 est catégorique : « L’Allemagne reconnaît et respectera strictement l’indépendance de l’Autriche, dans les frontières qui seront fixées par traité passé entre cet État et les principales Puissances alliées et associées ; elle reconnaît que cette indépendance sera inaliénable, si ce n’est du consentement de la Société des Nations. » Parallèlement, vis-à-vis de l’Autriche, le Traité de Saint-Germain a doublé la précaution. Article 88 : « L’indépendance de l’Autriche est inaliénable, si ce n’est du consentement du Conseil de la Société des Nations. En conséquence, l’Autriche s’engage à s’abstenir, sans le consentement dudit Conseil, de tout acte de nature à compromettre son indépendance directement ou indirectement, et par quelque voie que ce soit, notamment et jusqu’à son admission comme membre de la Société des Nations, par voie de participation aux affaires d’une autre Puissance. » Sous la pudeur de l’expression, transparaissent l’autre Puissance et les affaires dont s’agit. Mais l’Allemagne prussienne est sans pudeur, quand elle voit jour à s’arrondir.

C’était déjà un avertissement que, dans les Remarques de la Délégation allemande sur les conditions de paix, le comte Brockdorff-Rantzau eût écrit : « L’Allemagne n’a jamais eu et n’aura jamais l’intention de modifier par la violence la frontière germano-autrichienne. » Par la violence seulement : l’Allemagne se réservait l’astuce. Peut-être s’est-elle trop pressée de l’employer. Malgré l’article 80 du Traité de Versailles, elle a glissé dans sa constitution dite républicaine un article 61, qui promet à l’Autriche sa part de représentation dans le Conseil du Reich ou Reichsrat. Mais nous avons des jurisconsultes au quai d’Orsay, et le trait était un peu gros pour passer inaperçu. Sommation a été aussitôt faite à l’Allemagne d’avoir à réviser sa constitution à terme, et d’en faire sauter l’article 61, dans un délai de quinze jours ; sinon, l’armée d’occupation se mettrait en mouvement à travers les territoires de la rive droite. Il n’y avait pas à s’y méprendre : le délai, la sanction, tout y était, c’était parfaitement un ultimatum.

L’Allemagne n’a pas dû s’y tromper ; néanmoins, elle ne s’en est pas émue. Comme elle n’est jamais en reste d’une chicane, et comme ses ressorts sont à triple ou quadruple détente, à l’article 61 de la