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pleinement efficaces : c’est ce que nous avons dit et répétons ici depuis le mois de mai. Tout le monde, sur les bancs du gouvernement, s’est évertué à établir ou qu’on ne pouvait en espérer mieux, ou qu’on n’a pu mieux faire, et qu’on peut, pour la suite, s’en reposer sur le Traité, sinon sans vigilance, du moins avec tranquillité. M. André Tardieu est venu et revenu affirmer sa confiance dans la qualité de son ouvrage, en ce qui concerne particulièrement les garanties diplomatiques et militaires ; M. Loucheur en a fait autant en ce qui concerne les garanties économiques, et M. Klotz lui-même a tenu à ne pas demeurer en reste pour ce qui est des garanties financières. Fasse la fortune de la France que les dieux les aient entendus ! C’est une manière de créer le fait que de manifester la foi. Mais si trop douter de soi empêche de manifester l’une, ou être trop content détourne de créer l’autre. Entre les deux excès, l’écueil est double.

Il est possible que tel ou tel, — faut-il dire des adversaires, puisqu’à très peu d’exceptions près, tous voteront la ratification ? — mais des contradicteurs ou des interrogateurs, ait poussé trop loin ses objections ; mais les ministres aussi ont exagéré les mérites du Traité, comme les autres en avaient exagéré les défauts, quand ils en ont porté la défense jusqu’à l’apologie, et haussé l’apologie jusqu’au panégyrique. En fait de mérites, le Traité de Versailles a principalement des vertus, dans le sens de l’expression : « en vertu ; » ce qui pourra être, mais ce qui n’est pas encore. M. André Tardieu, que le doute n’aura pas atteint un instant, après s’être efforcé de prouver qu’aucune des garanties nécessaires ne nous manquait, aux termes mêmes du Traité et des conventions complémentaires, n’a pas voulu s’en tenir là, et il a sans broncher assuré la Chambre qu’aucun Traité, dans toute l’histoire, ne nous en avait donné de plus grandes ou d’aussi grandes. C’est curieux, pour le remarquer en passant, qu’on invoque l’Histoire avec cette hardiesse, alors qu’on l’a, dans les négociations, si délibérément écartée, et, même, qu’on en a si dédaigneusement fait fi. Eût-il été, par exemple, indifférent de se rappeler comment l’Histoire avait posé pour nous, depuis trois siècles, la question vitale de la Rive gauche du Rhin ? Sans doute, on dit qu’il y a la nouvelle école, qui fait profession de croire à un monde tout neuf, dans lequel l’Europe est une toute vieille chose, toute petite. Une pensée qui franchit d’un trait les océans n’est pas arrêtée par un fleuve. Mais l’ancienne école avait du bon ; il lui était arrivé de rencontrer des formules qui ressemblent beaucoup à des vérités éternelles, si l’on appelle ainsi ce qui a duré et durera autant que l’humanité. Celle-ci,