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LE FRONT DE L’ATLAS

IV [1]
EN COLONNE


I. — LE TAMBOURIN DE SIDI MAH

A quelques lieues de là, quatre ou cinq mille Légionnaires, Territoriaux, Joyeux, Sénégalais, attendaient depuis près d’un mois l’arrivée du Madani pour s’engager plus avant dans la montagne. Et la vie de tout ce monde sur un plateau sans ombre, dans une chaleur infernale bourdonnante de millions de mouches, au milieu d’une poussière de fumier constamment remuée par le piétinement des hommes et des bêtes, n’avait rien, on l’imagine, de l’air de fête homérique si divertissant à voir dans le camp de la harka.

Dès que le Glaoui fut arrivé, la longue colonne se mit en route, abandonnant le sinistre plateau, laissant derrière elle son fumier, son ennui de plusieurs semaines, mais emportant ses mouches collées en grappes aux flancs des animaux et sur les vestes khaki. Et maintenant, suant et peinant, elle s’en va dans un chaos montagneux, escaladant des pentes de rocs et de broussailles, disparaissant au fond d’effroyables ravins, pour remonter aussitôt dans un lent mouvement de fourmilière ; et ni les montées ni les descentes, aucun des accidents de ce sol brutalement tourmenté n’arrive à bouleverser l’ordre de

  1. Voyez la Revue des 1er avril, 15 juin et 15 juillet.