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plus ou moins imprudents avec divers généraux. Le général Malet, écrit-il, — je suis frappé de certaines réticences de sa conversation par rapport à l’Empereur. » Plus franche, Mme Lucien parle de propositions faites et acceptées.

Il y a plus. « On a vu, écrit Rousselin, l’empressement du général Malet à prouver sa déférence au pape, son respect pour la résidence de Sa Sainteté ; il n’avait fait aucun mystère d’une conduite qu’il croyait aussi bien d’accord avec la politique qu’avec la justice. Il paraît que, touché des procédés de Malet, le pape avait désiré le voir particulièrement et, dans un entretien qui eut lieu, Sa Sainteté lui avait révélé le malheur d’une situation tous les jours aggravée par la méchanceté et l’ambition de Bonaparte. Les choses en étaient déjà arrivées au point où le Saint-Père n’avait plus en perspective, comme récompense de ses sacrifices, que la spoliation et la persécution... Le Saint-Père n’avait pu retenir ses larmes. Le général Malet, y mêlant les siennes, était tombé aux pieds de Sa Sainteté et lui avait promis de se mettre à la tête des troupes mêmes de l’Église pour opérer la délivrance du Saint-Siège... »

Si Alquier ne fut point informé d’une démarche, qui constituait un acte flagrant de rébellion, il n’avait pu ignorer, dès l’affaire du Palais Rinuccini, que Malet entendait être le premier à Rome et proclamait que « le pouvoir militaire qui répond de tout a besoin de la première considération. » «  M. Alquier, dit publiquement Malet, M. Alquier se croit encore conventionnel et agent du Comité de Salut public aux armées. Il se trompe ; le général français n’est point ici son subordonné. La considération due au pouvoir militaire est ici nécessaire au salut de l’armée bien plus qu’à une satisfaction d’amour-propre. » N’admettant point qu’il fût le subordonné de l’ambassadeur, ni qu’il eût sur quoi que ce fût de comptes à lui rendre, ne craignant point la surveillance trop lointaine du vice-roi et de son chef d’État-major, Malet déploie en liberté un caractère qui jusqu’ici a été dans une mesure contenue par l’autorité civile. Il entend être le maître et il le fait bien voir. D’abord il donne à des tenanciers de Roulette et de Rouge et Noir, venus de Naples, l’autorisation d’établir à Rome, sous le nom de Société française, une maison de jeu où il met un adjudant de place et quatre soldats pour le bon ordre. Moyennant quoi, les tenanciers s’engagent à lui payer, tous les