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anarchiste notoire, qui s’était donné mission de jeter bas les croix réérigées sur les routes. Merlet eut fort peu de peine à montrer les exagérations de ces rapports qui provoquaient des arrestations en masse et un renouvellement du régime terroriste : mais cette réfutation de ses dires ne pouvait qu’exaspérer Malet, qui répliqua dans une lettre au ministre de la Guerre : « On a lieu de croire que les rapports faits par les officiers de la gendarmerie n’ont pas plu à M. le préfet ou ne se sont pas trouvés conformes à ceux qu’il a dû faire, car, le 5 brumaire (27 octobre) ce préfet, se trouvant à Montaigu avec plusieurs fonctionnaires civils et militaires, se prononça d’une manière assez déplacée et même indiscrète contre ces officiers en disant qu’ils n’étaient pas en état de faire un rapport ni de dresser un procès-verbal et que, depuis le capitaine jusqu’aux cinq lieutenants, pas un ne savait son métier… Ces propos étaient faits pour étonner ceux qui les entendaient, et moi particulièrement. Il était facile de voir que ce moment de mauvaise humeur ne pouvait provenir que de ce qu’il n’était plus possible à M. le préfet de dissimuler au gouvernement la véritable situation où se trouvait la Vendée qu’il voulait toujours faire envisager comme le département le plus tranquille de l’Empire. Ayant su, ajoutait Malet, que, depuis que j’étais dans le département, j’avais les yeux ouverts sur tout ce qui pouvait s’y passer de contraire aux intérêts et à la sûreté du gouvernement et que j’avais fait quelques rapports à ce sujet, le préfet a écrit contre moi pour faire naître sûrement de mauvaises et fausses préventions contre moi. »

Sans doute le préfet avait rendu compte que, dans ses tournées, le général s’était particulièrement intéressé aux prisonniers de l’Ile d’Oléron, détenus à la suite de l’attentat de nivôse. « Les uns et les autres, écrit Rousselin, ont part aux procédés généreux de Malet : il prodigue à tous et les secours et le dernier argent de sa bourse. » Cela explique bien des choses, et particulièrement que Malet ait été mis en non activité, par arrêté du 11 ventôse an XIII (2 mars 1805). Lui seul en fut surpris. Mais il faut croire que l’on avait encore des illusions à son sujet, car il conserva sa solde d’activité et fut autorisé à résider à Paris.

Il n’accepta pas sa disgrâce sans protestation. Le 27 ventôse (18 mars 1805J, au lendemain du jour où il avait été présenté