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rendre compte de tout ce qui s’est passé dans ce département, demeurera certainement convaincue que je l’ai servie avec zèle et fidélité. »

La disgrâce n’était vraiment point en proportion des actes de Malet. Elle consistait dans une mutation d’Angoulême aux Sables (6 messidor an XII — 25 juin), accompagnée d’une cravate de commandant de la Légion. « Mais, écrivait Bonnaire, le point essentiel pour ce pays est qu’il ait changé de résidence ; » la guerre n’en continua pas moins quelque temps entre le préfet et le général et, sans une protection des plus efficaces, Malet eût été mis en réforme.

En Vendée, Malet avait affaire à un préfet d’un tout autre caractère que Bonnaire. Merlet était doux, conciliant, peu fait pour des situations aussi fortes. Président de la Législative au Dix août, il avait laissé s’accomplir la révolution sans rien tenter, même pour la rendre moins sanglante ; en Vendée, à force de ménagements, il laissait les royalistes se préparer pour une prochaine insurrection et colporter les armes et les munitions.

La gendarmerie, très active sous l’inspecteur général Gouvion, avait soupçonné des transports de plomb, de la côte à l’intérieur, et des dépôts à l’entrée du Bocage. Ces prodromes de guerre civile avaient motivé des recherches qui, dirigées par la police nantaise en liaison avec la gendarmerie, avaient abouti, avant l’arrivée de Malet, à l’arrestation des principaux dépositaires de plomb, mais son zèle n’en fut pas ralenti.

De même qu’en Charente il s’était mis en comité avec Lavauzelle et Dubois de Bellegarde, en Vendée il se mit en rapport avec Goupilleau, ex-conventionnel, qui, à Montaigu, s’était posé en chef des anarchistes, avait insulté le sous-préfet Clemenceau et avait pris à tâche « d’attiser sans cesse les fureurs politiques. » Ce fut Goupilleau, avec lequel Malet entra en correspondance par son aide de camp Joly (4 vendémiaire an XIII — 26 septembre), qui lui fournit, sur les nobles et les piètres do la région, les renseignements qui servirent de base à un rapport signé par le colonel de gendarmerie Noireau et adressé au conseiller d’Etat Réal, chargé de la police. Real en fit part (le 25 vendémiaire — 17 octobre) à Merlet qui n’eut point de peine à voir d’où partait le coup. En même temps que les prêtres, Noireau dénonçait un nommé Rochefort, cordonnier à Montaigu,