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Si Malet avait à ce moment manifesté avec violence contre le Concordat et contre le Consulat à vie, les ennemis qu’il allait se créer n’eussent point manqué de le rappeler. Dès son arrivée à Angoulême, il forma des relations intimes avec les républicains exagérés tels que l’ancien conventionnel Dubois de Bellegarde, devenu inspecteur des forêts, Lavauzelle, le secrétaire général de la préfecture, divers jacobins du pays et quelques officiers. Il s’est posé en adversaire du préfet, Bonnaire, dont les opinions républicaines ne peuvent passer pour suspectes, mais qui s’est nettement rallié à Bonaparte et à la politique d’apaisement dont le Concordat et l’amnistie accordée aux émigrés forment les bases essentielles. C’est cette politique que combattent, par toutes les armes en leur pouvoir, les convents jacobins formés dans la plupart des grandes villes : Malet n’y eût point joué un rôle si le Premier Consul avait satisfait son goût d’instabilité en lui accordant, au mois, de thermidor an XI juillet 1803), d’être employé au camp de Boulogne, mais il refusa.

Alors, soit pour se créer des titres à un nouvel avancement, soit pour satisfaire sa haine contre les ci-devant et ses goûts de policier, soit pour faire pièce au préfet avec lequel il avait d’abord entretenu d’excellentes relations, il dressa une liste de dénonciation contre les émigrés, par conséquent, contre le préfet qui les accueillait, et contre les ministres même, — tels que Talleyrand, — qui les avaient recommandés. Il envoya le 19 fructidor an XI (6 septembre 1803) ce rapport au ministre de la Guerre « pour faire connaître au Gouvernement ce qu’il y avait de contraire à la sûreté et de préjudiciable à ses intérêts dans ce qui se passait dans le département de la Charente. » Déjà, il avait ouvert la guerre contre le préfet en refusant toute escorte, lors de l’installation du maire d’Angoulême, et en mettant aux arrêts l’officier de gendarmerie qui avait fourni quelques gendarmes pour en rehausser l’éclat. Lui-même, quoique invité, n’avait pas voulu prendre part à la cérémonie, manifestant ainsi son hostilité contre un choix qui n’avait point eu son agrément. En toute occasion, il s’efforçait d’abaisser et d’humilier les magistrats civils en leur refusant toute autre escorte que de la déplorable garde départementale, tandis « qu’il avait pour sa seule personne toute la fleur de la garnison avec tambours et hautbois qui le conduisait et le