Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les unes des autres. Il nous a toujours semblé que Nancy, Metz, Luxembourg, Strasbourg, Trêves étaient comme les éléments d’une machine électrique qui, le jour où elle fonctionnerait, pourrait fournir à la vie intellectuelle des étincelles jamais vues jusque-là. »

L’image elle-même est éblouissante. Pourtant, comme M. Maurice Barrès a invoqué « les grands esprits du XIXe siècle qui croyaient dur comme fer à la bonté de l’Allemagne, » le souvenir nous revient d’une phrase de Michelet, au retour d’un de ses voyages. Il allait passer la frontière ou venait de la passer ; et, attristé de ne pas entendre le même son d’âme ici et là, il notait sur son carnet de route : « Les peuples ne se pénètrent jamais par leurs bords. » M. Barrès, au surplus, ne compte pas exclusivement sur la littérature pour accomplir ce miracle que Michelet jugeait difficile, « Mais je m’attarde, déclare-t-il, à ces considérations intellectuelles par la complaisance inévitable d’un esprit spécialisé. Il est évident que l’intervention française en Rhénanie doit être avant tout une intervention économique. C’est au Gouvernement, aux Chambres de commerce, aux associations patronales, aux syndicats ouvriers d’élaborer un plan d’action commerciale. » Voilà la vérité, ou du moins une grande partie de la vérité. La mémoire, longtemps vivace, et qui n’est peut-être pas encore tout à fait éteinte, des bienfaits de la législation française et de l’administration française, sous notre douce domination, sous notre court, léger et attentif protectorat, fera le reste.

En particulier, pour le bassin de la Sarre. Si nous n’y avons pas d’affaires, si nous en assurons la prospérité, si nous donnons au dehors l’impression du travail, de l’ordre et de la force, nous pouvons avec confiance attendre le terme des quinze années de transition et d’essai. Par contagion et imitation, la Rhénanie suivra ou du moins accompagnera. Tout en demeurant rattachée à l’Allemagne, elle se détachera de plus en plus de la Prusse, Elle redeviendra rhénane, antiprussienne, extraprussienne. Elle rejettera ce régime brutal et grossier, et qui, pour elle aussi, est une invasion.

M. Albert Thomas, qui a parlé après M. Maurice Barrès et dont le thème n’a pas été sans points de rencontre avec celui de l’illustre académicien, désire davantage de notre gouvernement. Il voudrait qu’il eût non seulement une politique en Rhénanie, mais une politique en Allemagne. Et il la définit d’un mot, qu’il s’abstient de définir : ce doit être une politique « démocratique. » M. Albert Thomas croit discerner dans le Reich allemand même des facteurs, des agents, des tendances, qu’il nous serait utile ou profitable d’encourager. Ce n’est pas qu’il