Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela va l’être pour la France. Il ne manque plus que la troisième adhésion, qui pourrait n’être pas celle des États-Unis ; à la vérité, l’Italie ne se presse guère de l’apporter, tant que la paix avec l’Autriche et avec la Turquie demeure en suspens, mais il serait curieux que, renversant son jeu, elle arrivât avant le Sénat américain. Curieux seulement, car, pour ne pas perdre de ce qu’il vaut, un engagement pris de bonne foi doit être tenu de bon cœur.

Par dessus tout, n’oublions pas et que personne n’oublie, qu’il s’agit de la France, de la France victorieuse, qui n’eût peut-être pas vaincu seule, mais sans laquelle, sûrement, on n’eût point vaincu. La hauteur où, par la qualité de son courage, par la fermeté de sa résistance, par la générosité de son sacrifice, elle s’est élevée dans l’estime et l’admiration universelles, lui impose de remplir sa mission parmi les peuples et, à cette fin, d’avoir une politique. D’abord, une politique au plus près d’elle, vis-à-vis de l’Allemagne, en Rhénanie. Le fait que, pendant quinze ans, ses troupes peuvent occuper Mayence, cet autre fait qu’elle reçoit en propriété les mines du bassin houiller de la Sarre, qu’elle va les exploiter, et que, dans quinze ans, les populations de cette région auront à dire si elles veulent s’unir à elle, ces deux faits réunis lui en font une obligation.

Une politique rhénane claire et certaine, l’avons-nous ? M. Maurice Barrès l’a demandé à M. le Président du Conseil dans un discours d’une belle inspiration. Il lui appartenait de marquer le rôle que pourrait, dans cette politique, remplir la littérature. « Il y a, s’est-il écrié, un génie du Rhin… Quelle tâche pour nos historiens et nos artistes ! Qu’il me soit permis de les appeler du haut de cette tribune. Quelle tâche, si, grâce à leurs secours, le génie du Rhin peut briser ses bandelettes ! Ah ! nos hommes de lettres peuvent jouer le plus noble rôle dans cette besogne de rapprochement, dans cette création d’une région intermédiaire, mi-française, mi allemande, qui serait si utile pour la défense des libertés et l’embellissement de la civilisation ! » Et encore, s’adressant toujours aux artistes, aux hommes de lettres : « Il me semble que les grands esprits du XIXe siècle qui croyaient dur comme fer à la bonté de l’Allemagne, qui se faisaient des illusions dont 1870 les réveilla cruellement, avaient pressenti une certaine Allemagne idéale, qui maintenant pourrait être installée sur terre en Rhénanie. Il existe, en France, dans la région de l’Est, une conception qui n’est que dans les esprits, qui flotte entre ciel et terre, et qui nous a toujours disposés à sentir une très grande parenté entre des villes qui, politiquement, sont séparées