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Ainsi se vante-t-il d’organiser à Insheim, près Landau, en prairial et messidor an II, un camp d’observation de dix mille hommes. Il a des secrétaires, un adjudant général pour le seconder « car, écrit-il, je suis en chef. » Au surplus, il se tient toujours en chef, et l’on pourrait croire que lui seul commande et mène tout. Il écrit nous, il pense Je. Sur le papier, il se bat pour les soldats, il pense pour les chefs, et cela le peint.

On ne saurait définir de quel parti Malet se réclame : à la monarchie constitutionnelle qu’il préconisait jadis, il a, lorsqu’elle fut renversée, déclaré la République infiniment supérieure. Lorsque Robespierre est à bas, il écrit : « Maintenant qu’est tombée la tête de l’homme qui dominait et trompait la France, on peut s’exprimer librement. Robespierre avait mis la terreur à l’ordre du jour pour empêcher de parler. C’est à la représentation nationale à établir les vertus qui étaient dans la bouche des oppresseurs. La mort de Robespierre est la plus grande victoire de la liberté. »

Il prit part aux opérations de l’Armée du Rhin en l’an III ; mais, à diverses reprises, il tomba malade de fatigue ; la fièvre le força à garder le lit, l’empêchant de monter à cheval et de « bivouaquer avec ses frères d’armes. » Le siège de Mayence, celui de Mannheim, celui surtout de Luxembourg, ouvert en plein hiver, les déplacements continuels à Metz, à Trêves, même plus loin, dit-il, avaient compromis sa santé bien qu’il n’eût que quarante-un ans.

L’on peut croire que ce fut cette indisponibilité qui détermina une mise en réforme que justifiait la pléthore de cadres, — surtout dans les États-majors. Bien que les grades ne fussent conférés, par les représentants et par les généraux, qu’à titre provisoire, il était presque sans exemple qu’ils ne fussent pas confirmés. Et, dans chacune des petites armées levées pour la défense du territoire national ou pour la répression des révoltes, les grades avaient été distribués d’autant plus libéralement qu’on manquait partout d’officiers.

Ce n’était point pour persécuter un « républicain par principes » que Malet fut mis en réforme au mois de messidor an III (juin 1795), mais parce qu’il était en sur-nombre et que les armées étant moins multipliées et la paix approchant, il y avait lieu à « une révision des grades. » L’état-major entier de l’Armée du Rhin et Moselle, le général en chef Pichegru à la tête,