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engagés. » N’empêche que M. de Broglie était chaque jour dénoncé au club de Strasbourg. « C’étaient trois ou quatre mauvais sujets fort soupçonnés d’être payés par nos ennemis pour jeter et entretenir la méfiance. » A la vérité, Malet déclarait qu’il ne fallait y attacher aucune importance.

Quant à Malet, c’était au club de Dole que sa femme et lui étaient dénoncés, même avant la révolution du Dix Août qui allait renverser cette Constitution dont, comme il disait, tous les honnêtes gens souhaitaient le maintien. A la vérité, Malet opposait aux dénonciations une arrogance magnifique et qui prouvait une inexpérience assez naïve. « Certainement, écrit-il, si je pouvais perdre l’estime de mes concitoyens, j’y serais très sensible, mais je suis persuadé qu’il n’y a que des contre-révolutionnaires secrets ou déclarés qui peuvent être mes ennemis et mes principes révolutionnaires ont été trop prononcés tout le temps que j’ai resté à Dole pour qu’on puisse avoir les moindres soupçons sur mes sentiments. Je crois cependant que je ne puis pas être plus à l’abri de la méfiance que bien d’autres et lorsque je puis me convaincre que c’est l’amour de la liberté et la crainte de la perdre qui excitent cette méfiance, je l’approuve fort et je ne puis blâmer mes concitoyens quand même j’en serais l’objet. » Il déclare encore « qu’il est plus ami de la constitution républicaine que de la monarchique » et il termine cette déclaration de principes, qui dut faire grand plaisir à sa femme, obligée de fuir à la campagne devant les dénonciations et les émeutes de Dole, par cet axiome : « Je suis aussi convaincu que l’innocence triomphe toujours que je le suis que l’homme brave ne périt jamais. »

En attendant, « les contre-révolutionnaires secrets ou déclarés » triomphent et Malet pourrait se rappeler ses jugements lorsqu’il écrit le 24 août de Belfort : « J’ai dû aller à Huningue pour voir M. de Broglie qui y était et qui m’avait mandé de l’aller voir en m’annonçant qu’il était suspendu de ses fonctions par les commissaires de l’Assemblée qui ont été à l’Armée du Rhin. Quoique j’en sois fâché par rapport à lui, je le suis davantage encore par rapport à la chose publique. L’état-major de l’armée, on peut le dire, n’existe plus et c’est cependant ce qui la fait mouvoir. Tous les meilleurs officiers qui le composaient, lorsqu’ils ont vu le trait d’injustice, ont passé de l’autre côté. Son vrai crime est de n’avoir pas voulu aller