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passer la fin de septembre, et les lettres qu’il adressa alors à Mme de Malet montrent l’intérêt qu’il prenait aux affaires publiques. Il était des plus assidus aux nouvelles et ne quittait point le Palais. « Le Parlement, écrit-il le 25 septembre, s’est assemblé ce matin à huit heures. J’ai été prendre place à l’antichambre et j’ai vu que presque tous les pairs s’y sont rendus. Le maréchal de Biron n’y est pas venu ni aucun prince du sang. » Il s’intéresse à ces émeutes qui agitent Paris, mais il ne s’y mêle point : « On dit, écrit-il le 1er octobre, que le Roi n’est pas content et je le crois, que le Parlement ne l’est pas, ni M. Necker. Le peuple parait ne l’être guère davantage, puisque, ces deux dernières nuits, il a encore couru le flambeau à la main et a eu une affaire avec la garde qui en a tué quelques-uns et blessé beaucoup. On ne sait pas ce qui le pousse ni comment cela finira. »

Il est d’ailleurs bon homme, avec ses trente-quatre ans, et attentif pour sa jeune femme. « Il y a quelques jours, lui écrit-il, qu’en passant sur le Pont-Neuf, j’ai trouvé un petit chien, et comme je pense toujours à toi, je te l’ai acheté. Il est jeune, mais très petit, et je crois qu’il ne grossira pas beaucoup. Ma pantoufle lui sert de lit, tu vois qu’il n’est pas bien gras. » C’est un bon mari, mais tatillon, maniaque et fort entiché de nouveautés, en particulier de mesmérisme. Il s’inquiète de la santé de sa femme : « S’il y avait le moindre danger, dit-il, je saurais le prévenir. Quoique tu n’aies pas mal à l’estomac, après avoir pris ton lait, il te faut toujours continuer à le magnétiser parce qu’il t’en fera plus de bien ; pense que c’est moi qui le veux. Cela ne fera que te donner plus de force. » Et les recommandations s’étendent sur quatre pages.

Les États-Généraux sont assemblés et Malet qui a figuré aux Assemblées de la Noblesse ne paraît avoir eu aucune velléité de se présenter à la députation. Deux mois après l’ouverture, les émeutes recommencent, la Bastille est prise ; dans toute la France, la grande peur ébranle les esprits, fait courir aux armes ; les gardes nationales se forment et partout, pour les commander, on recherche les anciens officiers, ceux qui en ont l’apparence ou le jargon. Ayant été quatre ans mousquetaire, Malet ne se trouve-t-il pas désigné ? Il est donc nommé commandant de la garde nationale de Dole.

La Fédération annonce la réconciliation du Roi avec la