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situation et fortune, espoirs et rêves, loyauté et amitié, son armée et ses serviteurs, et même ceux de sa race et de son sang…

Et pourtant il avait été un honnête homme avec un idéal de probité et jadis il avait rêvé de paix sur la terre…

Maintenant ses yeux hantés semblent demander : Pourquoi tout cela, qu’est-ce que tout cela veut dire ?

Et moi aussi, avec tant d’autres, je demande : Pourquoi, qu’est-ce que cela veut dire ?

Mais ce n’est pas dans ces pages que je puis essayer de creuser d’obscures profondeurs à la recherche de la vérité. Et ce n’est ni en prêcheur, ni en philosophe que j’ai écrit ces lignes, mais bien parce que j’aimais l’homme qui maintenant appartient au passé et que je veux m’en souvenir.

Et je pense à ce qu’a dit un Roi de jadis en contemplant la longue route qu’il avait parcourue, paroles que dans ses heures d’amertume tout souverain est tenté de répéter avec lui :

« Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Une génération passe, une autre vient et la terre subsiste toujours.

« Toutes choses sont en travail, plus qu’on ne peut dire, l’œil ne se rassasie pas de voir et l’oreille ne se lasse pas d’entendre. J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil, et voici, tout est vanité et poursuite du vent. Ce qui est courbé ne peut se redresser et ce qui manque ne peut être compté.

« J’ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse et à connaître la sottise et la folie ; j’ai compris que cela aussi c’est la poursuite du vent. Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur.

« L’homme ne connaît pas non plus son heure, pareil aux poissons qui sont pris au filet fatal et aux oiseaux qui sont pris au piège ; comme eux, les fils de l’homme sont pris aux lacets du malheur, lorsqu’il tombe sur eux à l’improviste. » Et voici ses derniers mots :

« Crains Dieu et observe ses commandements : cela seul importe. Car Dieu appellera à son tribunal toutes les œuvres humaines, même les plus cachées, soit en bien, soit en mal. »


MARIE.