Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reste, les Remarques de ta Délégation allemande le confirmaient avec une franchise presque brutale : « L’article 80 exige la reconnaissance durable de l’indépendance de l’Autriche dans la limite des frontières établies par le Traité de paix entre les Gouvernements alliés et associés et l’Allemagne. L’Allemagne n’a jamais eu et n’aura jamais l’intention de modifier par la violence (c’est nous qui soulignons, mais il faut souligner, car on aperçoit le : distinguo) la frontière germano-autrichienne. Mais si la population de l’Autriche-Hongrie, qui, depuis mille ans, est unie de la façon la plus étroite par son histoire et sa culture au pays allemand, désire de nouveau s’unir avec l’Allemagne en un État unique, union qui n’a été détruite qu’à une date toute récente par le sort de la guerre, l’Allemagne ne peut pas s’engager à s’opposer au vœu de ses frères allemands d’Autriche, puisque le droit de libre disposition des peuples doit être valable dans tous les cas et non pas simplement au désavantage de l’Allemagne. Une autre façon de procéder serait en contradiction avec les principes du discours du président Wilson au Congrès, le 11 février 1918. »

Dans leur réponse, les Puissances alliées et associées se sont contentées de prendre acte de la déclaration par laquelle l’Allemagne affirme qu’elle « n’a jamais eu et n’aura jamais l’intention de modifier par la violence la frontière germano-autrichienne. « Cette constatation, ou, pour parler à des adversaires si retors le langage judiciaire, ce constat ne suffit pas ; car l’Autriche pourrait se réunir avec l’Allemagne, sans que l’Allemagne eût modifié la frontière autrichienne « par la violence, » ou même que cette frontière fût en aucune manière modifiée. L’une ou l’autre pourrait, l’une et l’autre, l’Autriche et l’Allemagne, pourraient imaginer des formes, des modes de réunion, qui, en apparence, théoriquement, garderaient leurs frontières telles quelles.

Ce qu’il est essentiel de ne pas perdre de vue, c’est que l’idée a des racines plus longues et plus profondes qu’on ne croit ; qu’elle ne vaut pas seulement par elle-même, mais qu’elle remplit sa fonction dans un ensemble ; pour en mesurer la portée et par conséquent le danger, il convient de la ramener à ses origines, d’en faire voir à découvert les protagonistes, qui sont tout justement les chefs du présent gouvernement de la République autrichienne, et dont les plus influents, comme les plus distingués, ne sont pas tous à Vienne, mais bien plus près de nous, en ce moment, à Saint Germain. Chacun s’accorde à vanter la « bonhomie » ; de M. le chancelier Renner, en contraste si absolu avec ta morgue des junkers prussiens, et c’est