Désormais les Khoungouses harcelèrent sans répit les troupes moscovites, poignardant les traînards et les sentinelles, détruisant les petits détachements, enlevant les rails pour arrêter les trains de ravitaillement et s’approprier ce qu’ils contenaient, etc. Se déplaçant avec une extrême rapidité, circulant par des sentes connues d’eux seuls, traversant les rivières à gué ou à la nage, ils se glissaient au milieu des avant-postes ennemis. D’autres fois, ils s’engageaient comme coolies au service des Russes, afin de surveiller leurs mouvements, parcouraient le pays déguisés en bateleurs, se transformaient en inoffensifs paysans pour donner de faux renseignements aux officiers russes et les faire tomber dans des embuscades.
Ils étaient devenus la terreur des soldats du tsar, qui, au cours de leurs expéditions, n’osaient plus s’endormir, de crainte d’être tués pendant leur sommeil comme nombre de leurs camarades. L’affolement était tel parmi les troupes russes que le moindre geste, le mouvement le plus innocent d’un indigène leur paraissait suspect, et qu’elles fusillaient les gens inoffensifs sous le plus futile prétexte. Le paysan mandchou, qui laissait sa pioche un peu trop longtemps au-dessus de sa tête, indiquait ainsi l’arrivée des Russes à une bande de Khoungouses cachés dans le voisinage et était immédiatement abattu. Les femmes, les enfants eux-mêmes n’étaient pas épargnés lorsque les Cosaques s’imaginaient qu’un village était de connivence avec leurs féroces ennemis.
En 1905, lorsque la paix de Portsmouth fut signée, le gouvernement de Tokio garda les Khoungouses à son service, ce qui lui permit de réduire sensiblement ses effectifs en Mandchourie. Après avoir mis le pays en coupe réglée, ces brigands eurent mission d’assurer sa sécurité et ils s’en acquittèrent le plus consciencieusement du monde. Ils rançonnèrent bien encore parfois les habitants, afin de ne pas renoncer tout à fait à leurs anciennes habitudes ; il leur arriva d’oublier chez les commerçants qu’ils étaient devenus les gendarmes du pays, et qu’ils devaient, par conséquent, acquitter comme tout le monde le montant de leurs achats. Mais ce n’étaient là que de menues peccadilles et la population se félicita sincèrement de la conversion de ces nouveaux honnêtes gens.
C’est dans le grand Kingham, sur le flanc du mont Djigitchan que se trouvait encore en 1914 le Quartier général des