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vigilante et une justice impartiale, la paix s’établira entre les divers éléments ethniques de l’Etat arménien et ou peut prévoir le moment où même le Kurdistan indépendant s’unira à l’Arménie par un lien fédéral, tout en gardant son autonomie. La question kurdo-arménienne se résoudra par la paix, dans l’ordre et le travail.

Pour obtenir cette paix, l’Arménie a besoin du concours de la Société des Nations. La vie nationale arménienne sera très difficile dans les premières années, tant qu’une génération nouvelle n’aura pas remplacé celle que les Turcs ont détruite ; aussi l’organisation politique qu’il faudra créer le plus tôt possible ne sera-t-elle pas définitive. Los ressources ne manquent pas ; l’Arménie est pauvre, mais il y a des Arméniens riches ; la population est industrieuse, les mines et l’énorme réserve de force que les chutes d’eau et les fleuves rapides offrent au pays deviendront rapidement une source de richesse. Mais il faut au nouvel Etat une force armée pour la pacification et la police intérieure, des capitaux pour la première mise en valeur et l’organisation administrative du territoire. Seules, deux puissances paraissent qualifiées pour assister l’Arménie renaissante, les États-Unis et la France ; leur association, pour cette œuvre d’humanité et de civilisation, apporterait à l’Arménie toutes les garanties et les ressources dont elle a besoin. Tous les Arméniens instruits parlent français ; leur culture est française, et c’est là, pour nous, un capital moral que nous devons faire fructifier en prêtant aux Arméniens le concours de professeurs pour leur haut enseignement, d’instructeurs et de chefs pour leur armée et leur gendarmerie, de hauts fonctionnaires pour les services de l’Etat ; les Américains apporteraient des capitaux, des techniciens ; des syndicats américains-français-arméniens se formeraient pour la construction des chemins de fer, l’exploitation des mines et des chutes d’eau. Là, comme en beaucoup d’autres points du globe, la collaboration Franco-américaine serait une combinaison féconde et bienfaisante ; elle arriverait à mettre sur pied l’Arménie forte qui est la condition nécessaire de la tranquillité et de la prospérité de l’Asie occidentale. Les Arméniens ont besoin d’être protégés non seulement contre leurs voisins, mais contre eux-mêmes ; intelligents et avides de savoir, ils sont malheureusement en proie au virus de la politique ; abandonnés à eux-mêmes, ils consumeraient