Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’efficacité de la Société des Nations que la France a demandé une garantie supplémentaire. » Nous aimons à croire que la formule est inexacte, et qu’on nous a offert cette garantie supplémentaire sans que nous l’ayons demandée. C’est dans l’ancien droit public de l’Europe, c’est, par exemple, dans le Corps helvétique, qu’il y avait, à côté des États alliés, des États protégés. La France, dans toute son histoire, n’a connu, quant à elle, que des alliances : elle a donné toujours autant et souvent plus qu’elle n’a reçu. Cette fois encore, elle n’a demandé qu’à pourvoir elle-même à sa sûreté, qu’elle plaçait premièrement en elle-même. A défaut de la frontière militaire qu’avec persistance eussent voulue pour elle ses chefs d’armée les plus qualifiés, son gouvernement s’est contenté pour elle d’une occupation précaire de quinze ans, avec les alliances. Mais les États-Unis sont bien loin, l’Allemagne est bien prés, et l’espace de quinze années est bien court. Au moins, qu’on ne l’abrège point.

Tout se passe comme si l’on s’était persuadé, dans le Conseil suprême, que l’Allemand allait changer de nature, en même temps que de régime, et qu’ayant effacé les antiques iniquités, ayant lâché de n’en pas commettre de nouvelles, le Traité n’avait laissé, ni dans l’âme des hommes, ni dans la forme des choses, aucun germe de futures discordes. Éternelle illusion : depuis la première guerre, l’humanité s’est bercée de l’espoir que ce serait la dernière guerre, et rien ne lui a coûté plus de sang.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.