la tactique de la surprise brutale, et d’une faute immense commise par notre coalition, l’absence de commandement unique.
L’armée allemande avait un chef nominal, le maréchal de Hindenburg dont j’ai essayé d’esquisser, plus haut, la forte physionomie ; mais sous ce chef plus prestigieux que génial, elle était en réalité dans la main de fer du quartier-maitre général de Ludendorff.
Quelques années avant la guerre, le jeune colonel jouait déjà dans l’Etat-major un rôle important. Elevé à l’école de Bernhardi, cet officier de fer était un pangermaniste surexcité. Le Deutschland über alles le possédait et le soulevait. Officier distingué, il débordait dès lors de son rôle et poussant aux grandes audaces, conseillait la politique ; lorsque, le 10 mars 1913, un rapport anonyme était parvenu au Haut Commandement où étaient suggérés — au nom du droit de l’Allemagne à tout oser — les plus magnifiques attentats, violation de la Belgique, soulèvement de l’Islam, préparation de la révolution russe, chacun avait su qu’il était l’œuvre du brillant chef de section au Grand Etat-major général. Ce rapport dénote une grande envergure dans l’esprit d’entreprise, une absence rare de scrupules, une sorte d’illuminisme appuyé sur la brutalité, et, par ailleurs, une psychologie des peuples assez rudimentaire. De ce jour, notre service des renseignements avait signalé le jeune colonel comme à surveiller. On dit que ses qualités militaires et son fanatisme pangermanique avaient amené ses chefs à fermer les yeux sur des frasques de joueur, conséquences d’un tempérament effréné. Au physique, la physionomie-type d’un beau soldat prussien, la figure longue, aux méplats accusés, l’œil clair, dur, insolent, le front intelligent et osseux, et sous la moustache courte, la bouche en coup de sabre du vieux Moltke, toute contractée par un immense orgueil. Au moral en effet un orgueil incommensurable, cet orgueil qui peut être merveilleux atout ou fatal défaut, suivant le cas, et sera l’un et l’autre pour cet homme-là.
Chef d’Etat-major, en Russie, d’Hindenburg, — qu’il semble avoir inventé, — il paraît avoir été le vrai inspirateur de toutes les manœuvres dont la patrie reconnaissante faisait mérite au vieux chef. Il a suivi celui-ci, en 1916, à l’Etat-major général dont il est devenu le vrai chef, celui de l’Armée, celui