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de ces « grands et superbes édifices », de ces belles marques de l’antiquité » dont Abraham Fabert, l’imprimeur, fait, dans son Voyage du Roi à Metz en 1610 d’enthousiastes descriptions. À la cathédrale, où il prêcha souvent, il n’a ni entendu la Mutte et ses carillons « dont le son va jusqu’aux terres d’Empire ; » ni pris garde au baptistère de porphyre. Il a prêché à l’église de la Citadelle, à Saint-Gorgon, à Sainte-Glossinde : vieux temples ayant chacun leur physionomie : il n’y paraît point. Lui qui est déjà et qui redeviendra un humaniste, il n’a pas fait attention aux vestiges lorrains de l’antiquité romaine. Le viaduc de Jouy, avec ses arcades « hautes et superbes, qu’une main artiste a si bien cimentées qu’elles ont résisté à l’injure du temps ; » « les grands carreaux de marbre, de jaspe et de pierre ophite, reliques admirables des palais romains, » qu’on trouvait alors, nous dit Fabert, à chaque pas sur le sol messin, — le futur auteur de l’Histoire Universelle ne les a pas dû remarquer, car il aurait eu plus tard l’occasion de les alléguer.

Cette absence de certaines impressions est certainement à noter pour sa psychologie. Implique-t-elle une « lacune » de sa mentalité, une complète carence de tout apport des yeux à son esprit ? Il ne le semble point.

Et cela, je ne le dis pas par complaisance pour ces grands bossuétistes d’antan qui tenaient, je ne sais pourquoi, à ce que Bossuet fût « un poète, » voire » un peintre » et qui, faisant en cela le jeu de malins détracteurs, le démontraient avec indiscrétion. Je le dis parce que, tout de même, on trouve chez lui des « choses vues. » Mais on en trouve dans deux cas seulement. D’abord, lorsque ces choses ont un sens moral, et qu’à ce titre elles lui ont inspiré une réflexion et qu’une leçon lui a paru s’en dégager. Dans tel de ses sermons que je citais tout à l’heure, il y a, sur les grabats et les réduits des misérables, des paroles qui prouvent que ce visiteur des pauvres ne les exhortait pas les yeux fermés. D’autre part, dans beaucoup d’autres discours de cette époque, quand il décrit des scènes de l’Ancien ou du Nouveau Testament, la Passion, par exemple, plus d’un critique a signalé des traits d’un pittoresque violent et d’une décision réaliste…

Toutefois, ici encore, l’exception confirme la règle. C’est parce qu’il ne regarde pas souvent, pas volontiers ; les choses