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V. — LA DERNIÈRE LETTRE À UNE DEMOISELLE DE METZ !
UNE PROFESSION DE FOI

La dernière des lettres à « une demoiselle de Metz » doit être particulièrement signalée. Entre l’Ascension et la Pentecôte de 1659, Allix Clerginet s’est enhardie à questionner encore le théologien qui anime et règle son âme. Elle n’est pas savante. Elle n’a vécu que de la vie de la charité agissante. Elle a de son mieux servi l’Eglise. Mais qu’est-ce donc, au fond, que cette Église, dont l’éloquent archidiacre a toujours le nom à la bouche ? Que doit-elle en savoir pour qu’aucun doute ne s’insinue en elle dans le milieu de non-catholiques où elle travaille, et où, toujours sur la brèche, elle doit répondre non seulement aux ignorances, mais aux préjugés des nouvelles converties, et parfois éviter leurs pièges et leurs sophismes ?

Bossuet reçoit à Paris, où il va se fixer, les questions de sa dirigée. « Un matin, » il se trouve « avec le loisir et une disposition de cœur plus prochaine à la satisfaire. » Il se sent à son égard la confiance affectueuse qu’elle a en lui. Pour cette âme plébéienne, le jeune docteur va faire, sans hésiter, ce qu’il ne fera plus tard que dans les grandes circonstances. Gravement il prend la plume : « J’ai pensé devant Dieu et voici ce qu’il me donne pour vous… Sa volonté soit faite. » Et c’est une longue leçon, pleine de réflexions et d’expériences, dont il la gratifie sur la matière de l’Eglise, un mémoire éloquent et ému, — encore que gêné en quelques endroits par la teneur, parfois, ce semble, un peu puérile des questions de la mère Allix[1], — mais remarquable par le fond très lié, comme par la quasi solennité de la forme.

Sa conception de l’unité de l’Eglise, tout en étant très orthodoxe, est fort personnelle. D’abord, par cette expression d’ « unité de l’Eglise, » il veut que l’on entende surtout l’union de la grande Cité chrétienne avec Dieu lui-même, et la fusion entre le cœur chrétien et le cœur de Jésus. Quant à « la composition » de cette Cité, il la voit avec toute la largeur possible.

  1. C’est ainsi qu’il semble qu’elle demandait pourquoi « l’Église est le corps de Jésus et en même temps son épouse ; » en quel sens elle est « mère des fidèles si elle n’est que l’union de tous les fidèles » et comment cette fécondité se concilie avec l’unité, et cette unité avec la hiérarchie.