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doit être comprise en ce sens qu’il cède à la violence afin d’épargner au peuple allemand dans ses indicibles souffrances une nouvelle guerre, la déchirure de son unité nationale par l’occupation de nouveaux territoires allemands, etc. »

Et, jusque dans la communication du 23 juin, faisant connaître aux puissances le consentement définitif du dernier gouvernement à la signature, le même appel au Droit est itérativement renouvelé : « Cédant à la force supérieure et sans renoncer, pour cela, à sa manière de concevoir l’injustice inouïe des conditions de paix, le gouvernement de la République allemande déclare qu’il est prêt à accepter, etc. »

Cette protestation réitérée et obstinée ne peut, dans la pensée du gouvernement allemand, avoir qu’un objet : c’est d’établir, une fois pour toutes, avec l’assentiment des Puissances, qu’il existe, de toute antiquité, un Etat allemand se confondant avec l’Empire des Hohenzollern et avec le Reich. Cet Etat allemand est légitime, il a des droits avant tous autres droits sur les territoires de l’Empire bismarckien et, si l’on porte atteinte à ces droits, ou si seulement on les met en doute, c’est « le Droit » lui-même qui est violé.

Le gouvernement allemand ne se demande pas si la Silésie a été annexée par un acte de brigandage ; il ne se demande pas si les populations polonaises ont été arrachées à leur indépendance par un pacte diabolique et si elles ont été traitées, depuis leur annexion, par le fer et par le feu ; il ne se demande pas si les territoires de la rive gauche du Rhin ont été subordonnés au royaume de Prusse par un acte de spoliation diplomatique ; il ne se demande pas si l’Autriche a eu, séculairement, une vie propre antagoniste à celle du prétendu « Etat allemand ; « il ne se demande pas si la Bavière, la Saxe, le duché de Bade ont été les victimes de la force prussienne après la guerre de 1866 et si leurs peuples, pour être réunis à l’Empire en 1871, ont été ou non consultés. L’unité pleine et entière, globale et sans discrimination possible, de l’Allemagne est supérieure à tout ; elle justifie tout. La volonté de Bismarck, en vertu de la fameuse maxime : « La force prime le droit, » a créé un nouveau droit qui efface les légitimités antérieures et l’histoire. Voilà ce que les Puissances ont reconnu sans même s’en émouvoir ! Elles ne l’ont pas discuté, elles l’ont reçu !

Seuls, les Allemands paraissent avoir apprécié la grandeur