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plaine rase, où les navets de l’année précédente achevaient de pourrir, ils s’avançaient en colonne par quatre, comme à l’exercice. C’est tout juste s’ils n’étaient pas précédés de fifres. Ils n’avaient pas ouvert de chicanes dans leurs fils de fer et les enjambaient tranquillement. Sans doute pensaient-ils que sur ce point du front, plus que partout ailleurs, leur artillerie avait écrasé toute résistance et que les territoriaux en particulier n’y avaient pas fait long feu. Mais ces territoriaux appartenaient au recrutement du Nord, moins tassé de charpente et tout aussi solide que le recrutement breton. En outre la 10e compagnie territoriale (lieutenant Hoffmann), qui garnissait le Boterdyck, avait à sa droite la 12e compagnie (lieutenant de vaisseau Reymond) et à sa gauche la 10e compagnie (lieutenant de vaisseau Deleuze) du 2e régiment de marins. Ainsi étayée (surtout de biais, le long des canaux, par la compagnie Reymond), elle ne plierait pas. Puis vraiment ces lourds feldgrau pleins d’assurance, ces grandes « andouilles » vaniteuses, comme les appelait Luc Platt, et qui ne prenaient même point la précaution de se déployer en tirailleurs, présentaient une cible trop facile à nos fusils. Les mitrailleuses des marins de la 12e compagnie à la coupure de la digue, les mitrailleuses du 6e territorial au Pont-de-Pierre, se dévoilèrent en même temps ; prise en enfilade par leurs feux, « une partie du groupe de droite, dit le rapport officiel, se déploie en toute hâte dans les champs de navets au Sud de Bamburg et y disparaît : le reste regagne précipitamment les tranchées. Le groupe de gauche s’égaille à son tour et disparaît dans les champs et le ruisseau qui longe les tranchées allemandes au Nord du fortin. Tout l’après-midi, les mitrailleuses et les fusils arrosent les différents points de la ligne des tirailleurs allemands dès qu’un mouvement de retraite paraît s’y dessiner. Notre artillerie pendant ce temps balaie le champ de navets. » Rarement l’arrogance teutonne reçut un châtiment plus complet et plus prompt : sur le millier d’assaillants partis à la conquête du Boterdyck, pas un n’arriva seulement à moitié route de l’objectif et beaucoup ne revirent jamais les tranchées de Groot-Bamburg.

Bien qu’il ne semble point que des effectifs aussi imposants aient été massés sur les autres points du front, c’est à gauche du Boterdyck, perpendiculairement à lui et sur la ligne dentelée que faisaient nos tranchées jusqu’au secteur des zouaves