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de laquelle les marins de l’amiral Ronarc’h faisaient leur jonction avec les zouaves de la brigade Ancel.

Si notre progression vers les fermes W et de l’Union avait été silencieuse, celle de l’ennemi vers nos tranchées du sous-secteur Nord et de la Geleide ne s’était pas opérée avec moins de discrétion. Rien ne nous faisait croire à une attaque sérieuse. Le 1er mai, à Nieuwendamme, un gradé bon observateur, le second maître de manœuvre Ludovic Le Chevalier, notait : « Dépassé un petit poste, rien d’anormal. » Dans la nuit du 1er au 2 mai, « une patrouille a été prendre un petit drapeau allemand [et déposer] un paquet de journaux à la ferme Groot-Bamburg, » plaisanterie un peu risquée qui sort un moment le Boche de son atonie, mais dont il nous tient pour suffisamment châties par quelques volées d’obus sur nos tranchées du Boterdyck où une mitrailleuse est mise hors de combat et deux territoriaux blessés. Le 7, Luc Platt, dans le même segment, constate que tout est calme ; » le 8, « les Allemands, qui bombardent la ligne, lancent quelques obus sur le poste, » mais ces obus « tombent assez loin, » et la nuit encore « est calme. »

Le dimanche, par exemple, tout change. Luc Platt songe que le lendemain sera le jour anniversaire (semestriel) du 10 novembre, et qu’ « il y a six mois le bombardement sur Dixmude durait depuis deux heures. » Il est dix heures du matin, et il y a deux heures aussi[1] que tonne l’artillerie boche. Mais on est si bien rompu à ces bourrades de l’ennemi chez les anciens de la brigade, qu’on n’y prête plus attention. Et puis, il fait un temps merveilleux : du soleil, un ciel léger, soyeux, « anhydre » (entendez sans la moindre brume), comme on n’en voit pas souvent dans les Flandres. « Le lieutenant (enseigne Frot) nous montre les pellicules des photographies qu’il a prises de nous [dans la tranchée] et nous déjeunons. » Déjeuner gai. « Le lieutenant nous raconte quelques « blagues » du Borda et nous dit que, d’ici une dizaine de jours, nous prendrons la tranchée allemande d’en face… » Le tapage pour-

  1. Nous avons vu que le commandant Louis disait : « À partir de quatre heures quarante-cinq. » D’autres carnets (le docteur L. G.) disent : « Depuis neuf heures. » Le lieutenant de vaisseau Mérouze : « Depuis trois heures du matin… » Le véritable bombardement, au moins sur les tranchées et d’après la plupart des témoins, dura exactement trois heures : de dix heures du matin à une heure de l’après-midi.