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s’emparer par surprise d’une redoute allemande qui faisait saillant dans nos lignes à l’endroit où elles quittaient le Boterdyck pour obliquer vers la route de Nieuport à Lombaertzyde. Bonnet avait entretenu l’amiral de son projet dès le 18 février et lui en avait exposé l’économie. Mais tantôt l’atmosphère, tantôt la nervosité de l’ennemi en avaient fait différer l’exécution qui fut enfin fixée au soir du 11 mars. Proposé deux fois pour la Légion d’honneur, cité une première fois à l’ordre de l’armée le 25 février et, une seconde fois, le 9 mars, pour avoir « placé deux canons de 37 millimètres dans une maison démolie à 10 mètres de là tranchée allemande, l’un au rez-de-chaussée, l’autre à l’étage en plein jour, » avoir « tiré 99 coups dans la tranchée » et avoir « ensuite ramené les deux canons dans nos lignes, » Bonnet réalisait dans toute sa perfection le type du splendid officer, tel que l’entendent nos alliés anglais, d’une audace incroyable en même temps que d’une circonspection, d’une habileté et d’une souplesse de mouvement à rendre jaloux les Indiens de Gustave Aymard. Diverses reconnaissances à vue qu’il avait menées sur le fortin du Boterdyck lui en avaient révélé la solide organisation : 5 sentinelles étaient postées à ses abords et 20 hommes y tenaient garnison avec des mitrailleuses. Bonnet poussa une dernière reconnaissance sur le fortin la veille du soir fixé pour l’attaque. Les quinze volontaires qui l’avaient accompagné dans cette reconnaissance étaient les mêmes qui devaient l’accompagner dans son coup de main, pour lequel, expliquait-il plus tard dans une lettre à son père, ils s’étaient offerts « sans qu’on eût besoin de les désigner. » L’amiral, qui s’intéressait tout spécialement à la tentative du jeune officier, avait fait donner par le « colonel » Delage, commandant de la défense, les ordres les plus précis : l’enseigne Bonnet était autorisé à demeurer aux tranchées, après la relève de sa compagnie, « avec le personnel choisi par lui ; » il aurait « la direction de l’opération, » qui serait appuyée par deux sections de la compagnie Gamas (7e du 2e bataillon). « Une de ces sections, ajoutaient les instructions du commandant Delage, sera chargée de l’exécution de l’action elle-même, suivant les instructions que M. Bonnet donnera à son chef ; la 2e section sera destinée à servir de renfort. L’action ne devra être exécutée qu’autant que M. Bonnet jugera les circonstances favorables, non seulement à la réussite de